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4 novembre 2009

Rainer Maria Rilke - Lou

IMG_0296

Photo personnelle, rose de mon jardin 

Dis-moi, rose, d'où vient

Dis-moi, rose, d'où vient
qu'en toi-même enclose,
ta lente essence impose
à cet espace en prose
tous ces transports aériens ?

Combien de fois cet air
prétend que les choses le trouent,
ou, avec une moue,
il se montre amer.
Tandis qu'autour de ta chair,
rose, il fait la roue

Rainer Maria Rilke connaissez-vous ? Lou andréas  connaissez-vous ?? deux êtres de passion et passionnant à découvrir si l’envie vous dit; ce poète qui écrivit sans retenue à cette femme Lou (joli prénom en passant) qui est une femme aussi passionnante que insaisissable…. Je lis et découvre cette passion des mots, cette vie de ce poète allemand, ce personnage sans doute à aimer à en mourir pour cette Lou sublime, alors que sa mort fut provoquée par une mauvaise piqûre de rose qui dégénéra en leucémie, comble de la chose lui qui écrivit en français un recueil sur les jardins. Belle découverte pour ma part, la passion fait partie de mon monde quelle qu’en soit la forme, le contenu et les acteurs, en résumé, la passion me passionne. Il était aussi le secrétaire de Rodin...j'ai aimé en autre le livre épistolaire "lettres à Lou Andréas - Salomé..." Cette Lou qui fut aimée par Nietzsche  se forma auprès de Freud et deviendra une interlocutrice privilégiée.

Quelques belles citations de cet auteur ici 

voici des textes de Rainer ci-après et plus par là

Huitième Élégie de Duino

De tous ses yeux la créature
voit l'Ouvert.  Seuls nos yeux
sont comme retournés et posés autour d'elle
tels des pièges pour encercler sa libre issue.
Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons
que par les yeux de l'animal.  Car dès l'enfance
on nous retourne et nous contraint à voir l'envers,
les apparences, non l'ouvert, qui dans la vue
de l'animal est si profond.  Libre de mort.
Nous qui ne voyons qu'elle, alors que l'animal
libre est toujours au-delà de sa fin:
il va vers Dieu; et quand il marche,
c'est dans l'éternité, comme coule une source.
Mais nous autres, jamais nous n'avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s'ouvrent
à l'infini.  Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l'on respire,
que l'on sait infinie et jamais ne désire.
Il arrive qu'enfant l'on s'y perde en silence,
on vous secoue.  Ou tel mourant devient cela.
Car tout près de la mort on ne voit plus la mort
mais au-delà, avec le grand regard de l'animal,
peut-être.  Les amants, n'était l'autre qui masque
la vue, en sont tout proches et s'étonnent...
Il se fait comme par mégarde, pour chacun,
une ouverture derrière l'autre...  Mais l'autre,
on ne peut le franchir, et il redevient monde.
Toujours tournés vers le créé nous ne voyons
en lui que le reflet de cette liberté
par nous-même assombri.  A moins qu'un animal,
muet, levant les yeux, calmement nous transperce.
Ce qu'on nomme destin, c'est cela: être en face,
rien d'autre que cela, et à jamais en face.
S'il y avait chez l'animal plein d'assurance
qui vient à nous dans l'autre sens une conscience
analogue à la nôtre — , il nous ferait alors
rebrousser chemin et le suivre.  Mais son être
est pour lui infini, sans frein, sans un regard
sur son état, pur, aussi pur que sa vision.
Car là où nous voyons l'avenir, il voit tout
et se voit dans le Tout, et guéri pour toujours.


Et pourtant dans l'animal chaud et vigilant
sont le poids, le souci d'une immense tristesse.
Car en lui comme en nous reste gravé sans cesse
ce qui souvent nous écrase, —  le souvenir,
comme si une fois déjà ce vers quoi nous tendons
avait été plus proche, plus fidèle et son abord
d'une infinie douceur.  Ici tout est distance,
qui là-bas était souffle.  Après cette première
patrie, l'autre lui semble équivoque et venteuse.


Oh! bienheureuse la petite créature
qui toujours reste dans le sein dont elle est née;
bonheur du moucheron qui au-dedans de lui,
même à ses noces, saute encore: car le sein
est tout.  Et vois l'oiseau, dans sa demi-sécurité:
d'origine il sait presque l'une et l'autre chose,
comme s'il était l'âme d'un Etrusque
issue d'un mort qui fut reçu dans un espace,
mais avec le gisant en guise de couvercle.
Et comme il est troublé, celui qui, né d'un sein,
doit se mettre à voler!.  Comme effrayé de soi,
il sillonne le ciel ainsi que la fêlure
à travers une tasse, ou la chauve-souris
qui de sa trace raie le soir en porcelaine.
Et nous: spectateurs, en tous temps, en tous lieux,
tournés vers tout cela, jamais vers le large!
Débordés.  Nous mettons de l'ordre.  Tout s'écroule.
Nous remettons de l'ordre et nous-mêmes croulons.
Qui nous a si bien retournés que de la sorte
nous soyons, quoi que nous fassions, dans l'attitude
du départ? Tel celui qui, s'en allant, fait halte
sur le dernier coteau d'où sa vallée entière
s'offre une fois encor, se retourne et s'attarde,
tels nous vivons en prenant congé sans cesse.


Traduction de François-RenéFrançois-René Daillie

Cette lumière peut-elle

Cette lumière peut-elle
tout un monde nous rendre ?
Est-ce plutôt la nouvelle
ombre, tremblante et tendre,
qui nous rattache à lui ?
Elle qui tant nous ressemble
et qui tourne et tremble
autour d'un étrange appui.
Ombres des feuilles frêles,
sur le chemin et le pré,
geste soudain familier
qui nous adopte et nous mêle
à la trop neuve clarté.

Le Chat noir

CIMG4183

Photo perso

Un fantôme est encor comme un lieu
où ton regard se heurte contre un son;
mais contre ce pelage noir
ton regard le plus fort est dissout:


ainsi un fou furieux, au paroxysme
de sa rage, trépigne dans le noir
et soudain dans le capitonnage sourd
de sa cellule, cesse et s'apaise.


Tous les regards qui jamais l'atteignirent,
il semble en lui les recéler
pour en frémir, menaçant, mortifié,
et avec eux dormir.
Mais soudain, dressé vif, éveillé,
il tourne son visage —  dans le tien:
et tu retrouves à l'improviste
ton regard dans les boules d'ambre
de ses yeux: enclos

comme insecte fossilisé.

Sur le soupir de l'amie

Sur le soupir de l'amie
toute la nuit se soulève,
une caresse brève
parcourt le ciel ébloui.

C'est comme si dans l'univers
une force élémentaire
redevenait la mère
de tout amour qui se perd.

Le livre de la pauvreté et de la mort


Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur;
je suis perdu dans un abîme illimité,
dans une nuit profonde et sans horizon.
Tout vient à moi, m'enserre et se fait pierre.


Je ne sais pas encore souffrir comme il faudrait,
et cette grande nuit me fait peur;
mais si c'est là ta nuit, qu'elle me soit pesante,
qu'elle m'écrase,
que toute ta main soit sur moi,
et que je me perde en toi dans un cri.


Toi, mont, seul immuable dans le chaos des montagnes,
pente sans refuge, sommet sans nom,
neige éternelle qui fait pâlir les étoiles,
toi qui portes à tes flancs de grandes vallées
où l'âme de la terre s'exhale en odeurs de fleurs.


Me suis-je enfin perdu en toi,
uni au basalte comme un métal inconnu?
Plein de vénération, je me confonds à ta roche,
et partout je me heurte à ta dureté.


Ou bien est-ce l'angoisse qui m'étreint,
l'angoisse profonde des trop grandes villes,
où tu m'as enfoncé jusqu'au cou?


Ah, si seulement un homme pouvait dire
toute leur insanité et toute leur horreur,
aussitôt tu te lèverais, première tempête de monde,
et les chasserais devant toi comme de la poussière_


Mais si tu veux que ce soit moi qui parle,
je ne le pourrai pas, car je ne comprends rien;
et ma bouche, comme une blessure,
ne demande qu'à se fermer,
et mes mains sont collées à mes côtés comme des chiens
qui restent sourds à tout appel.


Et pourtant, une fois, tu me feras parler.


Que je sois le veilleur de tous tes horizons
Permets à mon regard plus hardi et plus vaste
d'embrasser soudain l'étendue des mers.
Fais que je suive la marche des fleuves
afin qu'au delà des rumeurs de leurs rives
j'entends monter la voix silencieuse de la nuit.


Conduis-moi dans tes plaines battues de tous les vents
où d'âpres monastères ensevelissent entre leurs murs,
comme dans un linceul, des vies qui n'ont pas vécu


Car les grandes villes, Seigneur, sont maudites;
la panique des incendies couve dans leur sein
et elles n'ont pas de pardon à attendre
et leur temps leur est compté.


Là, des hommes insatisfaits peinent à vivre
et meurent sans savoir pourquoi ils ont souffert;
et aucun d'eux n'a vu la pauvre grimace
qui s'est substituée au fond des nuits sans nom
au sourire heureux d'un peuple plein de foi.




Ils vont au hasard, avilis par l'effort
de servir sans ardeur des choses dénuées de sens,
et leurs vêtements s'usent peu à peu,
et leurs belles mains vieillissent trop tôt.

La foule les bouscule et passe indifférente,
bien qu'ils soient hésitants et faibles,
seuls les chiens craintifs qui n'ont pas de gîte
les suivent un moment en silence.


Ils sont livrés à une multitude de bourreaux
et le coup de chaque heure leur fait mal;
ils rôdent, solitaires, autour des hôpitaux
en attendant leur admission avec angoisse.

La mort est là. Non celle dont la voix
les a miraculeusement touchés dans leurs enfances,
mais la petite mort comme on la comprend là;
tandis que leur propre fin pend en eux comme un fruit
aigre, vert, et qui ne mûrit pas.


O mon Dieu, donne à chacun sa propre mort,
donne à chacun la mort née de sa propre vie
où il connut l'amour et la misère.

Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c'est la grande mort que chacun porte en soi.


C'est pour elle que les jeunes filles s'épanouissent,
et que les enfants rêvent d'être des hommes
et que les adolescents font des femmes leurs confidentes
d'une angoisse que personne d'autres n'accueille.
C'est pour elle que toutes les choses subsistent éternellement
même si le temps a effacé le souvenir,
et quiconque dans sa vie s'efforce de créer,
enclôt ce fruit d'un univers
qui tour à tour le gèle et le réchauffe.


Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l'éclat blanc des pensées;
mais des anges sont venus comme une nuée d'oiseaux
et tous les fruits étaient encore verts.

Seigneur, nous sommes plus pauvres que les pauvres bêtes
qui, même aveugles, achèvent leur propre mort.


Oh, donne nous la force et la science
de lier notre vie en espalier
et le printemps autour d'elle commencera de bonne heure.
 

***

je ressens ces mots fragiles et douloureux, et à la fois profonds

ils demeurent pourtant sur le papier, ancrés à jamais par l’encre, parcourus par mille regards, savourés par mille poètes … savoir lire un poème n’est pas chose aisée, savoir décrypter ce langage particulier est un sentier quasi sans issue comme un labyrinthe, car chacun son chemin…pourtant les mots de Rilke nous interpelle... ils résonnent comme l'écho faisant vibrer notre sensibilité .

***

Ce qui est le plus étrange alors que je préparais ce billeten mode brouillon, je commençais en parallèle le livre offert par Babelio nommant Rilke pur hasard je ne sais pas du tout...

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