Manhattan d'Anne Révah
Un grand merci à Cynthia pour ce livre voyageur
Elle part. Elle fuit après avoir appris l'inacceptable.
Elle n'a pas peur, non, mais elle veut mettre de l'ordre dans sa vie.
C'est une lettre qu'elle choisit d'écrire, une seule lettre. Les mots coulent comme un torrent, emportant sur leur passage la vie d'avant, les secrets, les mensonges, les blessures non refermées.
Elle écrit et se délivre, fait place nette, se retrouve enfin et peut, apaiser, aller vers son destin.
Anne Révah a quarante et un ans. Elle vit à Paris. Manhattan est son premier roman.
Un premier roman renversant et bouleversant, en si peu de pages, l’auteur nous entraîne dans une chute vertigineuse.
Une chute que rien de présage ni sa maladie ni sa fuite ni son constat du vide qui l’habite depuis son enfance.
J’ai lu ce livre en une seule traite sans pouvoir me détacher de l’histoire.
Le choc de la maladie et sa décision de fuir loin de cette vie dont elle ne fut qu’actrice, combien on pourrait s’identifier par moments à cette sensation de n’être que le pantin d’une existence, combien on s’interroge sur la finalité d’un destin, autant de questions qu’elle nous susurre en filigrane.
Faut-il une tragédie pour prendre conscience de l’absurdité d’une vie ?
Faut-il se savoir au bout du chemin pour déposer ce lourd fardeau au pied de celle qui aurait du voir ce qui se tramait chez cette si gentille voisine ?
Faut-il être au bout pour constater amèrement que la fin sera une délivrance mais jamais une renaissance ?
Au début de l’histoire on est très loin de deviner le pourquoi réel de cette fuite, si ce n’est l’annonce de cette maladie.
Puis de révélation en révélation, c’est le choc.
De page en page on glisse dangereusement vers le drame. C’est une lecture vertigineuse où rien ne peut nous arrêter.
Une longue glissade de plus en plus rapide de plus en plus déroutante jusqu’au point final, on espère qu’elle changera d’avis que quelqu’un viendra lui porter secours.
Voyez le bandeau sur le livre (J’aurais voulu qu’il y ait quelqu’un sur mon chemin pour suspendre la chute) ça résume mon ressenti, comme dans un cauchemar, elle hurle sa douleur, elle est seule dans ce vide béant, mais personne n’a jamais rien vu ni entendu personne n’a jamais su la sortir de cet abysse effroyablement glacial et profond, elle n’a jamais su le dire non plus hormis sur cette longue lettre avant de s’éclipser totalement.
On se pose la question parfois sur la réaction soudaine et inattendue des gens, sans doute avant de juger leur comportement devrions – nous aussi soupçonner un drame qui les ronge depuis trop longtemps pour pouvoir continuer à faire semblant.
Je suis sortie de cette lecture complètement abasourdie, c’est un petit roman qui nous assomme.
un grand merci à Cynthia de l’avoir partagé.
J’ai lu tellement vite ce livre que je n’ai pas pris le temps d’y apposer des post-it, tant de belles phrases, tant de beaux passages qu’il me faudrait vous réécrire le livre en entier alors j’ouvre le livre au hasard et je vous offre ce morceau :
“Ce quotidien plongé dans le temps et son extension, ces longues listes qu’on égrène. Ma vie est un découpage du temps qui ne s’ignore pas, s’accroche à mes pas. Je connais mes heures et l’encombrement de mes jours. C’est si simple. Il y a une chose que je sais, j’aime la lumière du jour, ses rythmes et ses éclats. J’ai peur de la nuit. Elle efface les contours, elle perd ceux qui y traînent.”