Vingt-quatre heures d'une femme sensible- Constance de Salm
Véritable petit bijou, ce roman épistolaire publiée en 1824 se présente comme une variation sur la jalousie et ses affres. Confrontée à l'image obsédante de son amant disparaissant dans la calèche d'une autre beauté au sortir de l'opéra, notre héroïne tente de comprendre et de calmer les milles émotions qui l'assaillent. Au cours d'une nuit d'insomnie et d'une journée perdue à guetter un signe de celui qui -semble-t-il vient de la trahir, elle ne trouve d'autre consolation que de lui écrire. Quarante-quatre lettres pour dire vingt-quatre heures de fièvres, de doutes et de désespoir.
Cet unique roman de roman Constance de Salm bouleversera tous les amoureux de Stefan Zweig et de Marcelle Sauvageot. Poétesse et dramaturge, celle que l'on surnommait " la muse de la Raison " défendit ardemment la cause féminine et tint un brillant salon littéraire, ou se côtoyèrent Alexandre Dumas fils, Paul Louis Courier, Stendhal et Houdon.
Une très belle plume qui m’a régalée, ce style superbe donne cette qualité incontestable à l’ensemble. Quant à l’histoire présentée sous forme épistolaire, bien que touchante, et chargée de sentiments passant de la folle passion à la jalousie ou encore au pardon, toute la panoplie d’une femme qui se meurt d’amour, reste somme toute jolie mais l’amour, l’amour, l’amour encore l’amour, nous donne le tournis, cependant elle expose de façon très juste ce sentiment bizarre qui souvent nous échappe.
L'auteure nous offre une belle définition : Lettre XXXVIII : L'amour !... Qu'est-ce que l'amour ?... un caprice, une fantaisie, une surprise du coeur, peut-être des sens ; un charme qui se répand sur les yeux, qui les fascine, qui se s'attache aux traits, aux formes, aux vêtements même d'un être que le hasard seul nous fait rencontrer. Ne le rencontrons-nous pas ? Rien ne nous en avertit, ne nous trouble...nous continuons de vivre, d'exister, de chercher des plaisirs, d'en trouver, de puirsuivre notre carrière comme si rien ne nous manquait !...L'amour n'est donc pas une condition inévitable de la vie, il n'en est qu'une circonstance, un désordre, une époque...que dis-je ? un malheur ! une crise... une crise... terrible... elle passe, et voilà tout.
On apprécie la peinture des différentes étapes douloureuses que l’âme humaine traverse quand l’esprit ne répond plus de rien, seul les élans et les blessures du cœur se lancent dans un combat contre l’impuissance des sentiments.
C’est fort bien décrit, réaliste, et cette lecture épistolaire nous emmène au bout du livre comme une fleur. L’auteure a su en 44 lettres couvrir une belle fourchette de grands désespoirs, parfois des éclaircies dans cette nuit terrible, donnant une allure folle à ce roman.
En résumé, j’ai apprécié ce petit livre, car c’est toujours un régal de se délecter d’une si belle plume, même si l’histoire nous touche moins. Un beau voyage dans les tortures de l’âme, on peut comprendre qu’un être humain puisse agir sans toutes ses capacités mentales dans de telles turbulences, c’est là que j’ai trouvé mon plaisir dans toute cette histoire, ce cheminement tortueux et sombre quand la raison vous lâche. En voici l’extrait qui le résume si bien :
De la lettre v : quel est donc ce pouvoir de l’âme sur le corps, de la passion sur la raison ? L’orgueil s’en révolte et s’en indigne : il nous montre notre faiblesse, notre profonde humiliation dans tout son jour ; il nous force à gémir sur ce temps, ces facultés dépensées, prodiguées, perdues en vaines folles sensations ; mais à quoi cela sert-il ? à rien !…
Un grand merci à liliba de nous faire partager ses coups de coeur et par la même occasion ses livres.