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6 juillet 2010

La distribution des lumières de Stéphanie Hochet

A paraître aux éditions Flammarion le 18 août 2010

A première vue, Aurèle est simplement une adolescence dévergondée. Elle ne se sépare jamais de son frère Jérôme, qui incarne la figure de l’idiot. Au collège de Mortissieux, elle suit les cours de musique d’Anna Lussing. Anna devient pour Aurèle une obsession, un manque, une cible.

Pasquale Villano, un traducteur italien exilé en France, rencontre Anna, s’éprend d’elle. Et le paiera cher.

Roman sur les tentations dangereuses de l’adolescence, la cruauté et la candeur, La distribution des lumières met en mouvement des personnages qui s’opposent, se reflètent, s’éblouissent, chacun en proie à une vérité intérieure.

***

Plusieurs personnages prennent tour à tour la parole, mais une seule mène la danse, la démoniaque Aurèle. Une adolescente tout à fait classique à première vue, qui se cherche, s’enivre, s’interroge, s’ennuie et se met à épier une voisine qui n’est qu’autre sa professeur de musique au collège : la charmante Anna.

Aurèle entraîne son demi-frère Jérôme et joue de sa faiblesse mentale pour le rendre complice de son jeu  l’entraînant dans sa spirale infernale. Jérôme n’a d’yeux que pour sa sœur, lui vouant une totale confiance, se laisse glisser vers des dérives houleuses. Alors que Pasquale devient un rival, le couple infernal –sœur-frère- le mènera dangereusement vers une histoire d’un meurtre puis deux.

Dire plus, serait dévoiler toute l’intrigue finement menée dont rien ne laisse présager un tel scénario. Chapitre après chapitre, on ressent le piège qui se referme doucement mais inévitablement sur Anna et Pasquale. Ce dernier soutenu par sa femme qu’il a laissée en Italie parvient à garder espoir d’échapper à cette manigance, glissant par moments vers une douce folie. Son attitude est vraiment touchante, on perçoit tout à fait sa lucidité qui tombe en lambeaux,  semble se reprendre, mais reste consterné   avec son impuissance. Du doute à la vérité, des scènes orchestrées avec brio rendent la lecture prenante et passionnante.

Les personnages sont forts et bien démarqués.  La présentation psychologique des 3 personnages principaux est tout à fait remarquable. On pense toucher la vérité du bout des doigts et puis tout s’évanouit comme une ombre que la nuit absorberait…

C’est fin, prenant, surprenant. Ca pourrait être  un thriller, mais c’est encore plus subtile, un mélange d’un tout qui s’impose avec délicatesse de page en page.

La lumière braquée sur le comportement d’une adolescente d’apparence inoffensive même attentionnée avec son demi-frère,  prend des mesures disproportionnées, au nom d’une passion obsessionnelle envers Anna. L’innocence et l’inconscience de ses actes rendent la position  de Pasquale encore plus fragile et celle d’Anna périlleuse.

L’ histoire qui se déroule en banlieue,  reflète ce mal, ce besoin d’exister, de se faire aimer, par des actes percutant les règles des adultes. Une façon de dire : je suis sans doute une ado lambda, mais sous ma capuche, j’irai au bout de ma volonté détruire par plaisir ce monde absurde dans lequel je ne trouve pas ma place ni d’avenir…

Sans l’ombre d’un remords, Aurèle continuera son petit bonhomme de chemin, et se souviendra de ce drame comme un jeu dont elle aurait gagné la partie sans réaliser qu’elle a détruit des vies comme si elle écrasait une mouche.  Elle en parle comme une mauvaise blague dont elle se serait bien marrée : “ le crétin ! il n’a eu que ce qu’il méritait” sera la dernière phrase de l’adolescente qui referme le livre, laissant le lecteur déconcerté mais tout à fait conscient de la réalité des choses qui est malheureusement une part de notre société actuelle. La dérive d’une humanité en mal d’exister à la recherche de soi, se perd dans des actes basculant inexorablement vers des drames.

Quand les limites n’ont plus de frontières, il ne fait pas bon croiser le chemin d’une adolescente dans une banlieue où l’oisiveté et l’errance de soi mènent à des pratiques dangereuses et où la manipulation des êtres est une arme redoutable…

Quand à la plume de Stéphanie Hochet, elle nous porte  avec délicatesse et douceur bien que très franche.  Elle expose plusieurs sujets intéressants en filigrane au coeur de l’histoire qui nous invite à méditer.

Le personnage de Pasquale étant le plus passionnant, je lui laisse la parole : “J’aimais trop les femmes pour tolérer qu’on les insulte. J’ai toujours eu le fantasme presque sensuel de liens civilisés avec l’autre sexe. C’est la civilisation qui a créé l’érotisme. Sans la culture et ses entrelacs de complexités, de distance où l’art, la poésie se sont engouffrés, il ne reste que la bestialité, la vie aveugle des animaux.”

“Je suis parti mais je n’ai pas coupé les liens avec mon pays. J’ai gardé l’habitude d’acheter les journaux italiens, je me rendais au kiosque pour demander La Répubblica. Elsa a souffert de notre rupture, pour reconstruire la part d’elle que j’avais détruite, elle m’a laissé sans nouvelles durant des mois. Ensuite, notre camaraderie a repris par courrier. S’il avait continué, j’aurais enduré son silence comme une torture. Je lui ai écrit une lettre ou bien un mail par semaine. je n’ai pas changé de fréquence, j’ai trouvé mon rythme naturel. Ses réponses m’ont sauvé de ce froid qui m’habitait depuis que je ressassais mes remords. Ce n’est pas parce que j’avais fui que j’avais tourné le dos à vingt-cinq ans de vie commune avec Elsa. Je ne pourrais pas rompre comme ceux qui font le deuil de l’autre. Pour moi, oublier une personne qu’on a aimé c’est le début de la barbarie.”

“Je repense aux vignes près de chez moi, aux fermes et aux vallons. Aux places calmes des villages où paressent des chats qui vous regardent en clignant de l’oeil, belle activité pour des chats qui n’ont rien d’autre à faire si ce n’est, par moments, présenter leur ventre au soleil. Me viennent aux narines l’odeur de la campagne, le parfum des fleurs de haricots, les dalhias, la terre au crépuscule qui se repose d’une longue journée de chaleur, et l’ombre humide des arbres. Je cueille l’essence de la terre que j’aime. J’ai tout ça en moi, ces choses précieuses que je n’ai pas totalement laissées là-bas.”

Pour résumé, c’est une lecture intéressante , originale et agréable nous laissant un arrière goût amer de réalisme et d’impuissance. La douceur de la majorité des personnages est épinglée par la cynique Aurèle dont notre seule envie est de chopper cette gamine , braquer la lumière sur ses actes et lui exposer notre colère. 

Un livre tout en contraste mais parfaitement bien mené et équilibré. Un roman à ne pas manquer !

Un grand merci à Dialogues croisés pour l’envoi de ce livre “Rentrée littéraire 2010” en primeur.

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Commentaires
P
@ excerptreader, merci de votre visite
E
Un grand merci, Pascal, pour ce commentaire tres interessant.<br /> Le dernier roman de Mme. Hochet a ete recemment revue dans le blog Excerpt Reader (en anglais).<br /> Merci d'y jeter un coup d'oeil ;) <br /> http://the-excerpt-reader.blogspot.com/2010/08/excerpt-stephanie-hochets-combat-de.html
P
@ Sébastien L : ah j'irai lire ça alors, merci de ton passage sur cet espace
S
effectivement, ce livre est à ne pas manquer, il est vraiment bon !<br /> je viens de publier ma chronique dessus !<br /> belle rentrée!
P
@ alex et Theoma : un livre à ne pas manquer ...
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