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23 septembre 2010

Les dames de nage de Bernard Giraudeau

Les dames de nage

prix des Sables-d'Olonne 2007

Pas de quatrième de couverture pour ce livre, mais un extrait d’une chronique dont je vous invite  à lire  ici ou l’intégral sur le site là-bas

« Les Dames de nage », c'est la chronique vagabonde d'une existence où les femmes ressemblent à des continents, et les pays lointains, à des corps de femmes parfumés aux essences florales. C'est le livre rond d'un homme maigre. Un chant du départ qui sent le vieux chanvre et le calfat des navires. C'est ce qu'on s'écrit pour se donner de la force, et une dernière salve de désir. L'acteur colérique est devenu un raconteur généreux.

Jérôme GARCIN

Un livre qui m’a vraiment émue, touchée profondément, j’avais découvert que très récemment sa plume par la préface de Gilles Durieux, ici,  peu de temps avant son grand départ, ce 17 juillet de cette année.

J’avais été frappée par son style, séduite, et étonnamment surprise par cette poésie si subtile et éthérée, sensible et caressante, j’ignorai totalement qu’il avait pu écrire des romans. Je me suis promise de le lire et je suis enchantée de découvrir un poète voyageur, sensible et émouvant, qui sait si bien nous conter ces pays lointains, nous peindre des portraits, et nous embarquer dans les méandres des sentiments. Des escales ici et là, des départs et des retours, à chaque destination, c’est une invite à l’accompagner simplement et généreusement. Dans son sillage des rencontres, des amitiés et des amours, des personnages touchants, un récit vivant, coloré, parfumé, poétique il est sans dire.

Je me sens si démunie à vous raconter ce livre, si ce n’est un immense bouquet de poésie, des rencontres, les amours, et la tendresse, l’amitié, et les voyages, c’est une immensité à vous dire …

Comment tout vous écrire si ce n’est le plaisir de lire cette histoire alors  je vais juste me contenter de quelques passages, si beaux ou révélateurs de cet auteur qui se dévoile plus qu’il se dissimule à travers ce personnage de fiction, c’est un livre qui n’est pas voyeur comme la couverture pourrait vous laisser penser, bien loin de cette couverture, d’ailleurs, je m’étonne de ce choix, j’aurai mis, bien sûr cela n’aurait pas attiré l’œil, “Marguerite à la fenêtre avec son visage collé au carreau et son sourire si empli de tendresse pour l’homme à la moto” ou peut être ces trois amis liés à la recherche de leur amour.

Il est inutile de vous préciser que ce livre s’est mué en papillon :

Pour vous fidèles lecteurs de ce blog, pour vous admirateurs de Bernard Giraudeau, pour vous passagers d’un instant, si vous n’avez le temps de lire, alors faites vous au moins ce plaisir d’aller ici et mettre le son : CLIC et HOP écoutez cette merveille ( il y a 5 séquences, vous devrez les retrouver dans les icônes en dessous du lecteur audio)

Des ailes en souvenir d’enfance page 17 : J’ai continué à grandir sans elle, bien sûr, avec ce don qu’elle m’avait fait dès l’enfance de cette découverte sans cesse renouvelée de l’amour. Tout au long de ma vie j’ai aimé les nuques déliées, les femmes comme des gerbes et le secret des graines dans les épis. Elle m’a éveillé petit, et initié à vingt ans. Elle s’est prolongée en moi jusqu’à ce jour. J’ai gardé de l’enfance, et d’Amélie, ils sont liés, l’amour de l’inconnu à défricher, avec la peur au ventre comme une jouissance. Ce n’est pas l’amour de l’exotisme comme le dit Le Clézio, les enfants n’ont pas ce vice. Non, c’est le bonheur immédiat, sensuel, d’une ruelle de village africain, ou andin, c’est de respirer des parfums étranges et parfois reconnus, humer comme l’étalon les vastes plaines, attaquer les pentes montagneuses sous les nuées, c’est la menthe sauvage au petit matin, le thym écrasé, l’herbe fraîche à peine fauchée. J’ai gardé ce plaisir à rejoindre aux premières lueurs les landes fumeuses, les bords de mer encore mauves abandonnés par les hordes humaines. J’aime les silhouettes des arbres, l’élégance des ramures au milieu des prairies, les ombres su

Des ailes perdues à une amitié éternelles  Page 38 : Il a fouillé l’invisible mémoire au creux des dunes et sous les pots d’argile, les ombres grises, indéfinies, figées sur le sol clair, le soleil trouble derrière les brumes, la chaleur des ventres, l’inquiétude de la vie. Michel retournait à l’Afrique, en son sein de poussière, dans l’envoûtement irrésistible de l’invisible, sous lequel succombe celui qui accepte.

Des ailes qui s’envolent vers un visage en fleur Page 57 : Je n’ai jamais su son nom, mais Marguerite lui allait bien. Aux premiers jours de l’automne, un matin, derrière la vitre embuée, elle avait tentée d’ouvrir sa fenêtre,qui était restée close. Elle avait alors dessinée une marguerite et, dans le coeur de celle-ci, elle me montra son petit visage déçu mais souriant; La fenêtre ne s’est jamais ouverte. Elle était là, c’est tout.

Des ailes qui s’interrogent Page 76 : L’enfant ne soupçonne pas que son futur se heurte au tableau noir, qu’il se perd dans les livres, ses premiers cahiers. Peut-être avais-je deviné cela, que je n’apprenais en classe que le savoir extérieur, visible, une connaissance sclérosée. A quinze ans on ne sait pas grand chose, on gobe encore, mais la graine de révolte germe doucement. Je soupçonnais qu’on avançait aussi avec les énergies de l’acquis et je ne rejetais pas cette connaissance des autres, cette transmission du savoir, mais je voulais, sans le définir, un futur ouvert, sans murs ni fenêtres même à franchir, pouvoir chevaucher la connaissance avec l’innocence et la virginité première, ne pas peindre ce qui a déjà été peint, découvrir des territoires vierges, défricher l’être et le monde, regarder autrement, ne pas être dans le déjà, la sclérose d’une pensée formatée, dans la nasse de la culture et des traditions. Je voulais ouvrir les mailles du filet et m’échapper des pages du livre écrit. Il y en avait un autre déjà écrit peut-être, lui aussi, mais c’était son livre.

Des ailes sur le zéphyr des mots Page 102 : “Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir”, disait René Char. Peut-être que je m’obstine , moi, à fabriquer des souvenirs pour que cette vie s’achève pas. Elle n’est qu’une succession de souvenirs édifiée avec les erreurs, écrire en pleins et déliés avec des fautes et des ratures. Les homme s’écrivent. ils écrivent leur histoire, certains, prolixes, jubilent devant la page blanche, mais s’essoufflent avec les siècles. D’autres, jusqu’à l’épuisement, noircissent les feuilles de haine et de rancœur avec la rage de l’impuissance. Beaucoup écrivent leur vie comme un brouillon sans se relire, jamais, alors que d’autres l’écrivent si soigneusement qu’ils oublient de la vivre. Parfois, un auteur désespéré pose des mots d’amour, une belle phrase qui lui donne l’espoir d’un livre éternel. Mais soudain un orage survient, une valse ivre de pensées, et l’auteur renoue des lignes sans verbes, des mots abrupts, sans couleur. Il é-crie sa douleur dans la quête toujours vaine du mieux-être, une quête extérieure dans l’apparent visible qui laisse, en soi, obscurément, la prodigieuse lumière.

Des ailes virevoltant d’une fleur à une autre à la recherche de son nectar Page 138 :

Moi qui aimais partir en cherchant la peur comme un baume, comme une excitation délicieuse, un peu mordante, je paniquais devant l’inconnu qui m’habitait. Je résistais à explorer mon propre territoire, m’apprendre, sans réticence, sans cette frayeur sourde d’aborder d’autres rivages. J’avais perdu cette lumière qui me guidait dans mon enfance, cette lumière avec la joie de l’inconscience. Je m’enivrais d’horizons sans jamais me poser, je cherchais une paix que je ne savais reconnaître. Je résistais et je subissais. La sagesse était assise sur l’inaccessible. En réclamant la paix je réveillerais des douleurs enfouies depuis des siècles, mais je voulais déchiffrer l’épreuve, accepter l’initiation. C’était peut-être cela abandonner, revivre jusqu’au bout cette autre vie et pouvoir enfin la laisser en son temps, l’enfouir et libérer la mémoire. Je pressentais qu’il fallait ne plus penser, perdre le contrôle, tuer les pensées tueuses, se laisser aller, enfin, retrouver l’énergie première et repousser jusqu’au magma initial les nœuds qui me torturaient.

C'était moi qui étouffait dans le noir, dans la prison, moi dans les chaînes qui fuyais l’esclavage avec la peur d’être découvert. C’était moi, en liberté dans la forêt retrouvée, aimée, respirant large au sommet des pics, volant comme l’aigle au-dessus des brumes. C'était moi qui redoutais la noyade vécue dans l’enfance et n’aimais l’eau que sur les bateaux, parce que j’avais la tête hors des abysses; Aucun voyage, aucune fuite ne me révélerait à moi-même. La solution était en moi et je ne savais pas comment y entrer.

Ce livre est pour moi, une merveille. J’ai acquis “Cher amour” qui sera lu plus tard, voulant garder encore de l’espace entre deux histoires du même auteur.

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Commentaires
P
@ alex, tente une page, et puis tu sentiras tout de suite si tu restes collé au livre ou pas; c'est souvent une tactique que j'emploie à la bibliothèque, voir si le courant passe;
A
J'hésites à le lire, peut-être faudra-t-il un jour que je me lance.
P
@ l'or, peut être que "cher amour" est différent de par sa construction je te dirai tout cela au moment voulu, il m'attend bien sagement, je ne prends pas le risque de l'ouvrir sinon j'ai bien peur de ne pas le lâcher, car contrairement à toi, j'avais une folle envie de le boire tout entier certes à petites gorgées mais tant que le livre n'est pas fini , j'ai toujours cette soif qui m'assaille à continuer. <br /> j'ai pas ressenti la même lecture qu'avec Woolf, elle est bien plus complexe, alors que B.Giraudeau, plus fluide, plus éthérée, sans doute, là encore nous n'avons pas lu les mêmes titres, difficile de comparer. Toujours est il que ce titre m'a beaucoup plu, j'adore sa poésie à chaque phrase quasiment sans que ça donne une impression de forcing comme chez certains auteurs, chez lui, ça coule de source, c'est pur et limpide, clair et frais, une belle lecture agréable.;; ne t'en prive surtout pas, tu devrais sans doute reprendre ta lecture une autre fois <br /> <br /> @ Cynthia, j'ai hâte de lire tes avis sur les deux, Cher amour, je le lirai un peu plus tard, je garde ce petit plaisir au moment voulu.
C
J'ai acheté les deux "Cher amour" (que j'ai commencé puis reposé parce que j'avais des billets en retard) et "Les dames de nage".<br /> J'ai hâte de m'y remettre !
L
(les deux derniers extraits que tu donnes sont absolument magnifique, il dit quand même des trucs d'une incroyable justesse... C'est vraiment le grand homme que je devinais, peut-être ne suis je pas tout simplement à la hauteur de cet auteur ???) (en plus ça rime !!!)
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