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29 septembre 2010

Un certain regard de Françoise Sagan

Un certain regard

J'ai porté ma légende comme une voilette... Ce masque délicieux, un peu primaire, correspondait chez moi à des goûts évidents : la vitesse, la mer, minuit, tout ce qui est éclatant, tout ce qui est noir, tout ce qui perd, et donc permet de se trouver. Car on ne m’ôtera jamais de l’idée que c’est uniquement en se colletant avec les extrêmes de soi-même, avec ses contradictions, ses goûts, ses dégoûts, ses fureurs, que l’on peut comprendre un tout petit peu, oh, je dis bien un tout petit peu, ce que c’est que la vie. En tout cas, la mienne… FS


ce livre est l’un des 8 carnets publiés à L'Herne parmi la liste ci-après :

  • La petite robe noire (Carnets)
  • Bonjour New York (Carnets)
  • Maisons louées (Carnets)
  • Au cinéma (Carnets)
  • Le régal des chacals (Carnets)
  • De très bons livres (Carnets)
  • Album Sagan (Carnets)

Ces petits carnets, sont comme un dialogue avec l’auteur, qui donne son avis sur tel ou tel sujet. Pour “un certain regard” nous abordons les thèmes plus en rapport avec l’auteur même, sa vie, ses goûts mais aussi des thèmes plus généraux ou plus sensibles comme le bonheur, l’amour, la politique, voici la liste  :

  • La légende Sagan
  • De l’enfance à l’âge adulte
  • Bonjour Tristesse
  • L’accident
  • L’argent
  • L’écriture
  • Le théâtre et le cinéma
  • Les autres
  • La politique
  • Goûts et aversions
  • L’amour
  • Dieu et la mort
  • Le bonheur

C’est un moment agréable d’écouter plus que de lire, les propos de Françoise Sagan, j’ai particulièrement bien aimé sa franchise sans tabous sur les sujets délicats, sur sa vie personnelle, j’ai découvert au fil de ma lecture, une femme particulière, fragile même si elle veut paraître forte, une femme en perpétuelle mouvement qui aime le changement, une mère qui a du renoncer à ses extrêmes pour son fils.

J’ai beaucoup aimé ses propos même si nous avons un point de vue différent sur le sujet, elle l’argumente si simplement et naturellement qu’elle parvient à nous convaincre.

Elle dévoile ses débuts, la jeune fille pleine de vie qu’elle était quand elle a publié son premier roman “bonjour tristesse”, on découvre son milieu familial, et des anecdotes qui m’ont fait sourire : Page 44 : – quand j’ai dit chez moi que j’étais écrivain, ma mère a répondu :”tu ferais mieux d’être à l’heure pour le dîner et d’aller te peigner”, et mon père a éclaté de rire.

La partie qui m’a plus captivée est bien sûr celle de l’écriture, tout comme elle, je n’aime pas que les auteurs décrivent les personnages en détail : page 94 “ de même,  je n’aime pas les décrire physiquement : il faut qu’ils puissent se dessiner dans l’imagination du lecteur”. Je la rejoins sur bien des points pour cette remarque et d’autres, en tant que lecteur, j’aime deviner les personnages, même les lieux, me faire mon propre film, et c’est bien pour ça que je n’aime pas voir un film avant d’avoir lu le livre quand il y a une adaptation, quel intérêt de lire un livre si il n’y a plus aucune imagination, ni découverte, ni intrigue puisque le film nous a tout dévoilé et même imposé les personnages, les images…

Et la conversation se suit avec plaisir sur l’écriture, sur Proust, sur les romans, des remarques intéressantes qui s’ouvrent vers des réflexions plus profondes.

Page 95 : “D’ailleurs,  écrire un roman c’est faire un mensonge ; par exemple, A la recherche du temps perdu, que j’admire par-dessus tout, c’est le livre d’un menteur complet. Tout est changé, transformé. C’est une des plus belles oeuvres, et des plus vraies, justement parce que Proust avait accepté à fond ce mensonge perpétuel… Le jour où l’équilibre s’établira entre ce qu’il est et ce qu’il dit, l’écrivain n’écrira plus. L’écrivain est un menteur forcené, un imaginatif, un mythomane, un fou, il ‘nya a pas d’écrivains équilibrés.”

C’est le regard d’une auteure, sur des sujets qu’elle est à même d’avancer, ce regard par Françoise Sagan, est particulier mais pas dénué de bon sens. A la question : – avez- vous une définition de la littérature ? elle répond ceci :

- Pour moi, la littérature c’est une folie d’inventer des personnages qu’on connaît mieux que ses propres parents, qui sont vos amis.Tout ce qui est délibérément écrit pour “faire moderne” me fait tomber d’ennui.

La partie “les autres” est intéressante également ce regard porté sur les autres, je la rejoins encore notamment sur cette absurdité de la vie : page 177  “ Mais la vie de la plupart est terrifiante. On les prend à la gorge, on les oblige à travailler du matin au soir, ils ont une télévision idiote, ils ne sont jamais seuls, ils sont piégés par  d’autres qui leur courent après. Ils n’ont pas un moment ce ce qu’on appelle le bon temps, le bon vieux temps qui passe, seconde après seconde et qu’on peut voir passer. La majorité ne connaîtra de la vie et du temps qu’un cirque aveugle et affolé.”

Beaucoup de réflexions qui pourraient faire dresser les cheveux sur la tête de certains, mais au fond, elle soulève sans pudeur la misère de la condition humaine sans omettre de se dire sans honte privilégiée, elle se positionne toujours en tant que telle, une chanceuse d’avoir eu la famille qu’elle a, d’avoir eu la chance de faire le métier qu’elle aime, d’avoir eu beaucoup d’argent, tout cela elle ne le nie pas et le dit clairement, mais elle voit aussi très bien ceux qui n’ont pas cette chance. Jamais, elle dénigre la bassesse d’une masse de population, non au contraire, mais dit justement ce qu’elle constate avec ses mots, son regard…

Elle résume tout à fait sans faire de grands discours, et on ne pourrait pas aller contre sa réflexion qui est parfaitement et malheureusement vérifiable au quotidien : page 132 : Les vrais problèmes sont très simples  et tout le monde les connaît : la mort, la maladie, la pauvreté, la fatigue, l’ennui, la tristesse, la solitude…

Un peu plus loin, il est question de temps, ce sujet revient souvent dans ses propos : à la question –qu’est ce que vous reprochez à la société ? elle répond :

- la société vole le temps. La seule chose que chacun possède pour en faire ce qu’il veut. La société s’en moque, elle n’a aucun respect pour les individus. Tout se passe comme si chacun sacrifiait dix ou quinze années de sa vie sur l’autel de l’économie. Sans parler des années de vieillesse, plus ou moins sordides. Il y a un vice quelque part. Regardez la télévision : c’est une calamité. Elle donne aux gens l’illusion de communier entre eux, d’avoir une vie de famille dans la mesure où ils sont quatre à regarder la même chose sur le même écran, au même moment. C’est absurde. “

[…] les gens vivent dans la solitude et la fatigue.

Elle nous fait le tableau le plus vrai et le plus sombre de notre société actuelle. Elle y va même très fort mais si parfois les gens se posaient aussi la bonne question au lieu de tourner dans le même sens que ceux qui nous imposent leur rythme infernal et leur soumission faussement déguisée en esclavage. Page 140 : “On prend les gens pour des crétins : on leur propose –quand on la leur propose- une augmentation de leurs biens matériels, et on oublie qu’ils ont aussi besoin de rêver. L’écriture peut les y aider, c’est même son principal rôle. “

C’est un petit carnet truffé de réflexions argumentées et souvent avec des exemples à l’appui, j’ai apprécié l’écoute de cette conversation avec le regard de Françoise Sagan qui n’avait pas peur de dire tout haut ce que beaucoup disent tout bas.

Une très belle découverte ces petits carnets imprimés en bleu (ça j’ai apprécié !) j’ai bien l’intention d’en lire d’autres, comme “de très bons livres”  ; je me réjouis d’avance à découvrir son avis sur ce débat : qu’est qu’un bon livre plus encore un très bon livre ?”

Le format carnet est parfait pour le glisser dans un sac, dans un poche, je suis tombée sous le charme de ces petites confidences et conversations intéressantes.

Un certain regard… c’est le titre qui m’a interpellé, qui m’a fait cocher ce choix lors de l’opération masse critique et je suis très heureuse de ce tirage, car le titre reflète bien mon attente de lecture.


Un grand merci à l’opération masse critique de Babelio logo_babelioet aux éditions de L’Herne pour cette merveilleuse lecture dont je ne me lasserai pas d’y retourner.

Un certain regard par Françoise Sagan

Un certain regard

Un certain regard

Françoise Sagan

Critiques et infos sur Babelio.com


je n’ai pas vu le film, mais le peu de cette bande annonce reflète tout à fait ce que j’ai lu dans ce carnet…

je vous mets aussi ce lien, il y a des vidéos qui pourraient vous intéresser sur le site d’INA

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Commentaires
S
@ l'or, veinarde pas ce dvd chez moi, ce petit carner n'est pas comme ses romans, c'est plus intime, comme une conversation c'est très intéressant
L
J'ai le film à voir... J'aime beaucoup le personnage, un peu moins son écriture pourtant les extraits que tu donnes me plaisent assez... Je suppose que ces carnets me parlerais plus que ses romans...
P
@ caro carito : ces petits carnets sont succulents à déguster sans modération, quant au film malheureusement je n'ai pas pu le voir, mais je compte bien le trouver en dvd
C
J'ai beaucoup lu Sagan, j'aimerais bien ces petits carnets je crois et le film m'a plu même si il était empreint de tristesse...
P
@ Cynthia, c'est vrai que ces carnets sont des biographies déguisées mais plus intimes, j'aime ce côté dialogues entre l'auteur et quasiment le lecteur je suis conquise et je pense découvrir d''autres carnets.
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