L’or des chambres de Françoise Lefèvre
“Elle écrit, comme on caresse avant la fin celui qui met si grand temps à s’éteindre. elle n’écrit que pour en être aimée”
Depuis que l’Or a ouvert son blog du moins depuis que nos chemins se sont croisés, je fus intriguée par ce titre et même par l’auteur que je ne connaissais pas avant. Voilà chose faite, ce petit livre est arrivé chez moi enfin ! je l’ai trouvé d’occasion , voici venu le début d’une longue suite à venir…tenir un blog, a parfois des très bons côtés !
” Comment raconter les odeurs, le toucher ? Et ces choses simples : les bruits de la pluie dans la petite cour, et celui du vent. Comme elles me pénètrent de leurs voix silencieuses. Comme elles me font et me défont. Elles sont gestes d’amant, le sais-tu ? Elles sont les caresses de l’absence. “
Ce petit extrait résume très bien ce livre qui n’est pas un roman, mais plus un long poème sur l’écriture, sur l’absence de l’être aimé, sur les blessures d’une femme qui fait de sa douleur : une caresse, grâce à l’écriture.
Lire ce récit, c’ est très émouvant, on ressent toute l’angoisse si terrible de la page blanche qui en somme pourrait être comme l’absence, vide, froide, mais à la fois pure, vierge et pleine de nouveaux espoirs, de nouvelles vies à inventer sur papier. Laisser la chance s’inviter et se libérer d’un passé trop lourd de blessures.
Beaucoup de passages relevés, je ne vais pas pouvoir tous vous les mettre mais je vous invite à lire ce livre si doux, si poétique malgré son côté un peu “noir” le mot “mort” revient un peu trop donnant à l’ensemble un côté taciturne qui pourrait rebuter certains lecteurs.
Toutefois, la lecture est très agréable, et je me suis délectée de cette plume, nous plongeant dans l’atmosphère si particulière des personnes qui écrivent :
Pourquoi ce titre qui m’a tant intriguée, l’auteur nous l’explique “ Ce titre : L’or des chambres, clos sur lui-même et, dirais-je, couché en rond comme quelqu’un qui voudrait s’endormir, je l’ai choisi parmi les mots qui reviennent sans cesse avant le sommeil, quand tout est calme enfin, et que nous captons sous nos paupières un peu de cet or qui fait de nous des chercheurs d’éternité.”
En fait, il semblerait que l’auteur nous écrit l’histoire de son livre, elle nous dit qu’elle doit rendre son roman et je me demande justement si ce roman dont elle nous conte ici même, ne l’aurait-elle pas tout simplement écrit en “Live” par ce récit ?
“On est dimanche. Il faut que j’achève mon livre. Ce que j’écris à l’instant, c’est mon malaise, et pourtant, c’est mon livre. Ni saison, ni jour, ni nuit. Je ne sais plus où je suis dans le temps. C’est aussi cela l’écriture.”
Cette femme qui s’enferme dans une chambre et écrit, elle nous parle d’un homme qui prend le train et sourit à une femme, on s’interroge, et ce début m’a fait penser au roman lu dernièrement “Plage de Marie Sizun”, la femme trompée, la femme délaissée, abandonnée pour d’autres baisers, pour d’autres sourires, et d’autres bras… une histoire s’achève et une autre naît vers un autre ailleurs.
“Quelles villes lui fais-tu traverser ? S’est-elle endormie ? Regarde-t-elle par la fenêtre ? Je n’entends plus ma voix. Dans la chambre, de nous deux, je ne sais plus qui meurt. Qui je fais mourir. Je ne sais plus ce que j’invente. J’imagine cette promenade en dehors du temps. En dehors de nous. Je mens tout le long du livre. Et pourtant, ici, est inscrit ce que je porte à l’intérieur. Je crois qu’il existe un cloître en chacun de nous. Moi, je m’y suis laissée enfermer. Je voulais t’écrire une longue lettre sur l’absence. Mais l’absence n’est-elle pas encore un bienfait ? Ne nous rend-elle pas à des consolations inouïes ? “
Au fil du récit, au fil des mots, la douleur s’évacue, les confidences s’affinent, et la chrysalide se métamorphose nous laissant croire à l’envol d’un joli papillon; mais là je vous laisse découvrir si c’est bien le cas ou si la chrysalide restera enfermée dans son cocon.
“Je sais qu’il y a de grandes douleurs, de longs temps d’austérité. L’écriture est une douleur. Mais elle n’est pas de celles dont je parle. Elle n’est pas cette rupture totale, incompréhensible qu’est la mort. Elle ressemble à l’attente. Et l’attente est bleue. Froide comme le bleu des membres bleuis. Elle laisse derrière la porte celle qui écrit. On en comprend rien à ce rendez-vous, à ce baiser d’aveugle. On ne peut l’éviter, pourtant. On pressent que la mort sera comme ce vide au bout des doigts.”
Comme je le disais au début de ce billet, le mot “mort” résonne souvent au sein de cette histoire, mais c’est là la répercussion d’un deuil à faire qui s’établit page après page : “De toi, j’aurai reçu toutes les bénédictions, et celle-là, suprême, intolérable, comme on inspire l’amour quand il s’étire : sois heureuse… C’est en songeant que je t’écris de la chambre où la lumière pénètre par la fente des volets.”
Un moment émouvant de lecture, presque douloureux de lire cette peine qui envahit son écriture frappant de plein fouet sa création même du moment, tout laisse à croire que ce livre fut un vécu, évacué ici par les mots sous le titre de “L’or des chambres” qui est le deuxième roman de Françoise Lefèvre .
De belles réflexions sur l’écriture, sur l’absence, le tout dans un écrin de douceur extrême. Tant à dire sur ce petit livre, mais le temps me manque.
Je suis conquise, un grand merci à l’or des chambres pour cette belle découverte.
Un deuxième titre m’attend sur ma PAL et un LV “la grosse” doit aussi atterrir chez moi un jour ou l’autre…