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22 février 2011

La naissance du jour de Colette

Le temps lui a manqué pour se parfaire. Mais que je l’assiste seulement et le voici halliers, embruns, météores, livre sans bornes ouvert, grappe, navire, oasis…

la_naissance_du_jour_de_Colette

 

J’avais depuis un certain temps, cette envie de me plonger dans la prose de Colette, mais en évitant les titres trop communs, et bien voilà chose faite avec ce titre “La naissance du jour”  et quel bonheur.

Un moment de lecture indéfinissable, tant l’émerveillement de ces pages m’a comblée de plaisir. Tout à fait ce genre de plume que j’apprécie, tout en rondeur où les courbes se dessinent en arabesque dans la poésie subtile et éthérée. Un vrai petit bijou !

Ce n’est pas un roman comme l’indique la photo de mon livre, mais plutôt une pause dans sa vie, une pause comme une prise de conscience que sa vie était ce qu’elle était, mais à ce jour, en relisant les lettres de sa mère, elle semble faire un point sur sa propre vie, sur son passé et son désir du présent en tentant d’amorcer son futur.

Une sorte d’autobiographie bien que je n’ai nullement ressenti cela, certes ce récit parle d’elle et de sa mère, mais est-ce pourtant une autobiographie ? Je qualifierai ce livre plus d’une parenthèse dans sa vie, alors qu’elle est déjà l’auteur que tout le monde connait, elle nous offre autant qu’à elle, des réflexions sur l’âge, l’amour, ces relations amicales, l’art, et tant encore… ce que nous sommes en fait dans ce paysage du temps.

Elle décrit avec délice son environnement de la Provence, aussi bien qu’un peintre le ferait avec ces pinceaux. On ressent toute la chaleur, les couleurs et la douceur de cette région si chère aux artistes.

Comment ne pas succomber à cette plume ? Comment ne pas défaillir en lisant cette prose enchanteresse ? On s’immerge dans le paysage et la magie opère.

Combien on aurait aimé partager ces moments de volupté à ses côtés, partageant cette naissance du jour, à dire dans le silence l’essentiel d’une existence : n’est-elle pas tout simplement le bonheur d’être !

Si vous appréciez les plumes gracieuses et mélodieuses, si vous aimez lire autre chose que les romans classiques et des titres lus et relus et découvrir des petites perles de nos auteurs bien connus, ce petit livre est fait pour vous. Vous y découvrirez, une Colette, simple et aimante, autant qu’aimée, l’amoureuse des bêtes. Quelques heures en sa compagnie est déjà, on aimerait être son amie. On aimerait aussi avoir ce don d’écrire avec cette aisance à décrire les sensations et les sentiments.

***

Il n’y a pas de résumé de ce livre dans le spécimen que j’ai entre les mains. Comme vous pouvez le constater c’est une ancienne édition. Pour vous résumer l’histoire, en quelques mots : Colette, relis les lettres de sa mère alors que s’écoule des moments de plénitude au cœur de l’été en Provence, se dessine une histoire d’affinité avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle. Ce jeune homme fait l’objet des désirs d’une jeune fille côtoyant Colette. Colette fait la liaison entre ces deux jeunes gens, quand on devine que le jeune homme n’a d’yeux que pour Colette. Cette histoire est-elle le sujet principal du livre ? je réponds : Non ! Ce n’est qu’une illusion qui ouvre la fenêtre sur bien des réflexions tant personnelles qu’universelles.

Comprenez que ce petit livre est un récit que nous offre généreusement Colette sans pudeur et dans toute sa splendeur. Pour tous ceux qui sont hermétiques à la poésie, passez votre chemin vous n’y trouverez aucunement l’once d’un roman, ni d’une véritable autobiographie.

Au seuil d’une vie plus sereine, elle nous fait part de ce désir auquel  elle aspire : vivre tout simplement au jour le jour, goûter chaque instant, prendre plaisir à voir le jour se lever en savourant la magie de la nuit.

La naissance du jour pourrait être la naissance d’une autre Colette, la femme tumultueuse se meurt, l’écrivain certes demeure mais s’impose l’être humain de tout à chacun tout naturellement au seuil d’une vieillesse d’où sans doute ce parallèle avec sa mère, ce besoin de se rapprochent pour amorcer sa propre déclinaison.

J’aime la poésie sous cette forme, faussement cachée et pourtant présente à chaque phrase, cette ambiance candide et veloutée, se laisser envelopper dans ce bain de mots si divinement  mélodieux, nous berçant, tranquillement au son des cigales et du clapotis de la mer,  un pur moment de bonheur.

main_colette

 

La main de Colette
Photographie de Walter Limot, 1934
© LIMOT/Igny France

Devoir vous livrer des extraits je dois faire un choix difficile, car tous très beaux : 

Page  28 : Elle a donc pu, elle, se pencher impunément sur la fleur humaine. Impunément sauf la “tristesse” – appelait-elle tristesse ce délire mélancolique, cet ennoblissement qui nous soulève à la vue de l’arabesque jamais pareille à elle-même, jamais répétée, – feux couplés des yeux, calices jumeaux, renversés, des narines, abîme marin de la bouche et sa palpitation du piège au repos- cire perdue des visages ?… Penchée sur une créature enfantine et magnifique, elle tremblait, soupirait d’une angoisse qu’elle ne savait nommer, et qui se nomme tentation.

Page 29 :A n’en pas douter, ma mère savait, elle qui n’apprit rien, comme elle disait, “qu’en se brûlant”, elle savait qu’on possède dans l’abstention, et seulement dans l’abstention; Abstention, consommation, – le péché n’est guère plus lourd ici que là, pour les '”grandes amoureuse” de sa sorte, – de notre sorte. Sereine et gaie auprès de l’époux, elle devenait agitée, égarée de passion ignorante, à la rencontre des êtres qui traversent leur moment sublime.

Un peu plus bas de la page, je poursuis : Pureté de ceux qui se prodiguent ! Il n’y eut jamais dans sa vie le souvenir d’une aile déshonorée, et si elle trembla de séduire autour d’un calice fermé, autour d’une chrysalide roulée encore dans sa coque vernissée, du moins elle attendit, respectueuse, l’heure…

Page 41 : Ce que j’entasse n’est pas du même aloi. Mais ce qui en demeurera vient du filon parallèle, inférieur, amalgamé de grasse terre, et je n’ai pas trop tardé à comprendre qu’un âge vient où au lieu de s’exprimer toute en baumes, en pleurs mortels, en souffle embrasé et décroissant, sur les beaux pieds qu’elle embrassai, impatients de courir le monde, – un âge vient où il n’est plus donné à une femme que de s’enrichir. Elle entasse, elle recense jusqu’aux coups, jusqu’aux cicatrices – une cicatrice, c’est une marque qu’elle n’avait pas en naissant, une acquisition; Quand elle soupirent : “ah ! que de peines Il m’a données ! “ elle pèse, malgré elle, la valeur du mot, – la valeur des dons. Elle les range peu à peu, harmonieusement. Le temps, et leur nombre font qu’elle est obligée, dans la mesure où son trésor s’accroît, de se reculer un peu de lui, comme un peintre de son œuvre. Elle recule, et revient, er recule, repousse à son rang quelque scandaleux détail, attire au jour un souvenir noyé d’ombre.

Page 5 : Le moindre souci vieillit et semble pâlir son très petit visage serré et sans chair, d’un bleu de pluie autour des yeux qui sont d’or pur. Elle a, des amants parfaits, la pudeur, l’effroi des contacts appuyés. Je ne parlerai plus guère d’elle. Tout le reste est silence, fidélité, chocs d’âme, ombre d’une forme d’azur sur le papier bleu qui recueille tout ce que j’écris, passage muet de pattes mouillées d’argent…

Page 86 : Ma journée n’a pas été une douce journée. J’ai encore des jours et des jours devant moi, je suppose ; mais je n’aime plus les gâcher. Timidité dessaisonnée, un peu flétrie, et amère comme toute ce qui demeure suspendu, équivoque, inutile…Ni parure, ni pitance…Un faible sirocco, silencieux, va d’un bout de la cambre à l’autre. Il ne ventile pas plus la pièce que ne ferait un hibou prisonnier. Quand j’aurai quitté ces pages, couleur de jour claire dans la nuit, j’irai dormir sur le matelas de raphia, dehors. Le ciel entier tourne, sur la tête de ceux qui reposent à la belle étoile, et, si je  m’éveille une ou deux fois avant le grand jour, la course des larges étoiles, que je ne retrouve plus à la même place, me donne un peu de vertige…Certaines nuits sont si froides que la rosée, à trois heures, se fraye un chemin de larmes sur les feuilles, et que le long pelage de la couverture d’Angora s’argente comme un pré.

Page 126 : mais aujourd’hui il ne s’agit plus de faire peau neuve, il s’agit de commencer quelque chose que je n’ai jamais fait. Comprends donc, Vial, c’est la première fois, depuis que j’ai passé ma seizième année, qu’il va falloir vivre – ou même mourir – sans que ma vie ou ma mort dépendent d’un amour. C’est si extraordinaire. Tu ne peux pas le savoir… Tu as le temps.

Page 135 : Quand la nuit s’est fermée, réduisant la mer à son langage de clapotis, claquements de gueule, mâchouillement obscur entre les ventres des bateaux amarrés, l’immensité marine à un petit mur noir, bas et vertical contre le ciel, le scandale du bleu et de l’or à des feux de jetée, le négoce à deux cafés et à u un petit bazar noctambule, alors nous découvrons que notre port est un tout petit port.

Page 163 : L’aube vient. Il est courant qu’aucun démon ne soutient son approche, sa pâleur, son glissement bleuâtre ; mais on ne parle jamais des démons translucides qui l’apportent amoureusement. Un bleu d’adieux, étouffé, étalé par le brouillard, pénètre avec des bouffées de brume.

 

Image GIF - 53.8 ko

Colette (1873-1954) cliquez sur l’image

 

Un très bel article chez Chiffonnette que je vous invite à lire. Puis si le temps vous est donné pour parcourir les chemins de Colette, cliquez ici pour prolonger la promenade

Encore un livre qui rejoint mon anti-challenge, d’autant que j’avais inscrit ce titre qui m’attirait comme l’abeille à la fleur. Merveilleux livre dont je garderai longtemps en moi, et je compte bien l’acheter pour l’avoir sous la main.

logo_antichallenge

 

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Commentaires
P
@ dominique : et quel bonheur, un délice ça me donne envie de me replonger dedans. Il y a comme ça des livres qui sont des perles, et qui nous quittent plus.
D
Voilà le genre de billet qui ferait craquer n'importe qui, j'ai les oeuvres de Colette sur mes étagère et....je n'ai jamais lu la naissance du jour<br /> du coup ça me réjouis d'avoir devant moi du bonheur qui m'attend
P
@ l'or, tu devrais, je t'assure que c'est réellement une lecture plaisir, très court de plus, elle ne te prendra pas beaucoup de ton temps et tu en sortiras toute émerveillée, le soleil te réchauffera au coeur de cet hiver qui n'en finit pas, et tu ne le regretteras pas de l'avoir sorti de ta PAL : allez profites de ces vacances, et de ton défi à lire tant de pages, elles seront vites lues celles ci et avec délectation ... <br /> <br /> @ choupynette, je n'ai pas lu Chéri, le blé en herbe je l'ai lu il y a longtemps il faut que je relise tout ça pour me rafraîchir la mémoire...
C
de Colette j'ai lu que La chatte et Le blé en herbe, que j'ai adoré. Je me suis par contre ennuyée avec La fin de Chéri.
L
Tu me donnes très envie de m'y plonger très vite !!! Dire qu'il dort sur ma PAL ! (comme tant d'autres...)
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