Cent ans–Herbjorg Wassmo
Cents ans de printemps
Avec le bruissement des âmes
Qui les ont bâtis , s’accroissent
Et remplissent notre maison. (Nils Collett Vogt)
Cent ans retrace la vie de plusieurs générations de femmes. Celle de Sara Susanne, de sa fille Elida, et de sa petite-fille, Hjordis. On y découvre les hommes qu'elles ont voulus, ceux qu'elles ont eus et les nombreux enfants auxquels elles ont donné naissance. La petite Herbjorg, elle, appartient à la quatrième génération de la famille. Son histoire est celle d'une fillette qui se cache dans une grange pour échapper à son regard à lui. Elle possède un carnet et un crayon jaune qu'elle taille avec un petit canif. Sa seule issue est d'écrire pour mieux gommer les embûches trop tôt tendues par la vie. Et filer vers l'avenir comme on grimpe aux arbres pour approcher les oiseaux.
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Pour être franche, j’ai aimé ce livre mais moins que mes attentes, c’est toujours quand on pense plonger corps et âme dans une lecture tant attendue qu’on mesure sa déception.
Toutefois j’ai aimé la plume de cette auteure et la découverte de la Norvège… Ainsi que le tableau de la condition féminine à travers cette saga familiale, cette quête de liberté de penser, d’agir, de pouvoir choisir son destin quand on est une femme et qui à cette époque n’avait pas encore la chance de pouvoir s’émanciper pleinement. Sur 100 ans, l’évolution n’est pas si probante qu’on pourrait le croire, même parfois un retour à la case départ. L’audace et la volonté sont, me semble-t-il plus les armes pour s’imposer en tant qu’être humain de sexe féminin que la lente évolution des mœurs.
J’ai moins apprécié tout cet entrelacs d’une vaste famille qui se croise entre le présent et le passé ; j’avoue : un peu de mal à garder mes repères…
Le début m’a d’emblée conquise et me laissait deviner une histoire toute autre avec ce mystérieux “Lui” qui revenait comme une ombre menaçante sur la vie de la petite fille, mais la suite s’est révélée moins prenante.
Page 13 : Dans ce livre je suis à la recherche de mes aïeules et de leur époux. Mais c’est une grande famille qui ne demande qu’à être découverte. Certains restent cachés, ou bien laissés dans l’ombre. Lui demande plus de labeur que les autres. Il écrase tout, il n’apporte que le chaos et l’obscurité. Il a le pouvoir de détruire la moindre fragile petite joie ou pensée positive. Ce n’est qu’après sa mort que je peux entreprendre la tâche essentielle, celle d’essayer de le considérer comme un être humain.
L’auteur pose le ton et trace l’esquisse du livre comme une tragédie, alors que je n’ai pas ressenti pleinement ou du moins le poids de ces mots cités ci-dessus.
Le livre se décline en 6 cahiers qui départagent soit une époque soit l’histoire d’un personnage. Des cahiers qui n’ont pas retenu tous autant mon attention et mon plaisir, des longueurs et moins d’intérêt pour certains.
J’ai beaucoup aimé par contre l’épisode de Sara Susanne Krog, l’arrière grand-mère de “l’auteur” avec ce tableau retrouvé d’un ange peint par un prêtre, l’histoire d’amour défendu qui se faufile, ces interdits et le confinement de toute une vie.
Ce qui est intéressant, c’est la découverte d’une époque donnée, ce pays que je ne connais nullement, leurs valeurs. Sur ce point cette lecture est fort enrichissante. L’ambiance parfois poétique m’a charmée, ce qui m’a permis de lire ce livre suffisamment attentionnée et avec plaisir malgré le moindre attrait pour certains épisodes.
Page 56 : La nuit était claire. Elle ne dormait pas et écoutait la pluie tomber doucement. Devant ses yeux défilaient des couleurs. Des lignes qui s’enchevêtraient pour former un tout. Elle se sentait faire partie de l’univers. Pas du tout inutile, comme elle l’avait cru avant son mariage. Elle représentait une petite planète à elle toute seule. Peut-être même plusieurs planètes ? quand on pensait aux gouttes de pluie. A la somme de toutes ces gouttes. Aux récoltes et aux inondations. A tous les ruisseaux. Aux grands fleuves. A toute vie sur la terre, en fait. Et elle représentait bien plus qu’une goutte d’eau. C’était évident. Elle était pourvue d’une volonté. Quand elle se réveillait la nuit, comme maintenant, et écoutait la pluie tomber, elle ressentait une chaleur douce, comme une caresse sur la joue, un parfum d’eau de rose ou de bruyère. Elle aimait le vent, aussi. Mais pas autant que la pluie.
Des passages tendres et touchants pour ne pas dire émouvants par exemple entre la grand-mère Olga et sa petite-fille
Page 223 : Grand-mère a allumé un feu et est allée chercher de l’eau pour le café dans le ruisseau. Elle déballe notre casse-croûte tandis que l’arbre fait un bruit de crécelle. Tremble. Murmure. Le vent ne souffle pas sur le sol, mais en haut, dans l’arbre. Le feuillage se balance d’un point à un autre. Grand-mère, l’arbre me parle, dis-je.
- Et tu comprends ce qu’il dit ? Demande-t-elle.
- Oui
- Et qu’est-ce qu’il dit ?
- J’peux pas l’dire.
Elle me tend la bouteille de sirop coupé d’eau et une tartine recouverte de sucre. Ensuite elle m’aide à écraser les myrtilles dans le beurre. C’est un tremble, il parle tout le temps et il a des feuilles en forme de cœur. Tu les vois ? dit-elle.
- A quoi ça lui sert, tant de cœurs, grand-mère ?
- Il s’habille avec, respire avec – et nous parle avec.
- Tu crois que l’arbre sait que grand-mère Elida et maman sont parties vers le Sud et que c’est pour ça que je suis venue chez toi ?
- Cela ne m’étonnerait pas. Mais qu’est-ce que ça fait que tu sois ici, chez nous ?
- Et papa, il doit venir ici aussi.
- Non, tu voudrais qu’il vienne ?
- Non.
Une lecture en demi-teinte mais qui m’a permis de découvrir cette auteure à la plume attachante, un pays, sans regret je tenterai peut-être Dina du même auteure à voir d’autant qu’ils sont à la BM.
Une dernière citation, page 411 :
On ne devient conscient de la joie de vivre que lorsqu’on ne l’a plus.
– La joie de vivre, c’est le bonheur. C’est de savoir pourquoi on existe. Tu voulais peindre. N’’était-ce pas cela le bonheur?
C’était une lecture commune avec L’or des chambres, Anne et Cécile que je remercie pour ce partage livresque.
Une lecture qui entre dans le challenge de nos voisins-voisines et qui donne envie de connaître ce pays nordique : la Norvège, un pays d’eau, de neige et de splendides paysages.
Fjords norvégiens. Photo: C H / Innovation Norway
Source sur le site officiel