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15 juillet 2011

Bleu de chauffe - Nan Aurousseau

Bleu de chauffe de Nan Aurousseau

" Mon patron s'appelle Dolto. C'est un petit homme
suave d'une quarantaine d'années assez rond à l'extérieur mais géométriquement pourri et sans pitié à l'intérieur. Aidé par trois garçons baraqués, il vient de déménager le coffre-fort de l'entreprise. Le coffre-fort de son entreprise. Et cela de nuit, un mardi, alors qu'il était censé être en vacances. J'ai
pris des photos. Le coffre a été embarqué dans une camionnette blanche que j'ai photographiée aussi. Il se croit malin Dolto, mais avec moi il a tout faux, il est tombé sur un os, un os de Mamout. Mamout c'est mon nom, moi je ne descends pas du singe comme je dis toujours. Avec ses lunettes à double foyer Dolto vous regarde toujours par en dessous et quand il vous parle on dirait qu'il vous suce. Mais il s'agit juste d'une impression parce qu'en réalité il est en train de vous enculer et ça, vous ne le sentez pas. Vous avez mal après. Mais après il est trop tard... "

 

***

Une histoire qui nous plonge dans le monde du travail et tout particulièrement le BTP, pas trop de surprises pour ma part puisque je fais partie indirectement de cette grande famille.

Le personnage principal tout comme l’auteur connaissent bien ce milieu puisqu’ils ne font qu’un  (c’est histoire et celle de l’auteur du moins je suppose plus ou moins romancée), ça se ressent par les termes et les habitudes qui y sont exposés, les réunions de chantier, les travers et les combines des ouvriers, les petits chefs qui se prennent pour Dieu le père, et les exploités , les coups foireux … Tout une petite foule pas toujours clean qui bouillonne dans une grande marmite ! Il y a de quoi péter les plombs !

Le titre évocateur, “Bleu de chauffe” provient de cette même expression qui sous-entend qu’on se remet au travail sérieusement, et bien sûr le fameux “bleu” de tout ouvrier, ce n’est plus un mot à définir. Notre homme après avoir flirté avec la prison,  enfile donc son bleu pour reprendre du service, avec,  il est vrai de très bonnes intentions. Mais voilà, le grand manitou, lui chauffe les nerfs, et ce n’est pas sans compter sur le relent d’ex-taulard, pour aiguiser son besoin de régler les comptes comme il l’entend. Le récit est parfois drôle parfois acide, énergique pour ne pas dire dynamique ! Un franc parler il est vrai mais jamais vulgaire, et toujours des vérités bien placées.  Et puis au détour de ce tourbillon, on croise des passages qui nous interpellent :

Page 83 : il y a des mouvements secrets de la pensée qui n'apparaissent jamais nulle part, ni le jour ni la nuit. Ce sont des paroles tenues dans des mains discrètes, comme de petites bougies protégées du vent des fanfares officielles. Nous nous y réchauffons, tels des loups venues d'un autre cosmos et en partance pour y retourner.

 

L’intérêt de ce livre réside dans cette implication personnelle de l’auteur et on ressent pleinement cette part de vécu. Pour ceux qui baignent dans le monde du travail, cela leur semblera qu’un reflet ô combien mille fois croisé et sans doute subi, des passages qui résonnent et dont l’auteur nous fait le plaisir de dévoiler sans se priver

Page 121 : Louize était habitué, de par sa position hiérarchique, à abuser de son petit pouvoir minable et mon attitude de plus que désinvolte ajoutée à mes écarts de langage le rendaient haineux. Il n'était rien, vraiment, beaucoup moins intéressant qu'un brin d'herbe, pourtant, dans son microscopique milieu du monde du travail salarié , il se prenait pour un dieu et parvenait à imposer sur les chantiers une simili terreur larvée. Hallucinant. Comme si la vie n'était déjà pas assez difficile comme ça pour un ouvrier, il fallait que ce mec-là vienne en remettre une couche.

Au fil des pages, on ressent la tension qui s’étire, cette envie de remettre les pendules à l’heure, comment supporter ces petits chefs foireux et prétentieux.

 

Page 122 : pourvu qu'il ne me pousse pas à bout, pourvu qu'il ne m'oblige pas à en venir aux mains, parce que malingre comme il est, une gifle et le petit pois qui lui sert de cerveau peut lui sortir facilement par les narines... c'est que je me disais en le regardant bien droit dans les yeux, le comique, afin qu'il comprenne, qu'il se tienne un peu en retrait car je la voyais déjà en filigrane la fin de l 'histoire pour lui, le minable qui se planquait derrière sa veste en tergal et son froc de chez Prisu,, ses petites cannes maigrelettes, son petit torse de poulet arrogant qui se prenait pour un coq sous sa chemise à dix balles.

 

Ce roman comme une fresque de notre société, dénonce  en demi-teinte :

- des abus sociaux, genre  :  arrêt maladie déguisé, manigance pour se faire licencier sans perdre les avantages, tout un monde commun et des pratiques très courantes et bien plus qu’on pourrait se l’imaginer

- et l’abus de pouvoir d’une hiérarchie sur une population  à la merci d’un besoin de travail. 

En filigrane, on pourrait aussi citer, la main-d’oeuvre non déclarée, la pression en pyramide, se muant en dépression pour beaucoup de personnes,  les dessous de table, les chantiers torchés, les malfaçons camouflées, le manque de sécurité, et surtout un manque de respect dans tous les sens du terme … ce mal être, ce mal au travail n’est que la répercussion de cette société qui en demande toujours plus, et toujours plus vite,  à moindres coûts forcément, arrive où un maillon de la chaîne  finit par céder…  

Page 139 : on était toujours vendredi et ma femme était en retete jusqu'au mardi suivant. Elle ne s'inquiétait plus de mon arrêt maladie, le trou de la Sécu c'était comme celui de la couche d'ozone, plus on avançait vers lamer moins elle en parlait.

Au delà de ces sujets, on aborde la  vie de couple, la stérilité et ce manque d’enfant dans un couple.

Un premier roman qui décoiffe, et bouscule, un style particulier, je serais curieuse de lire son prochain roman.

Une lecture qui répond au challenge  “un mot, des titres … “  pour cette première partie, le mot défini était :  “Bleu”

 

 

Le bleu est partout, une foule de titres, j’avais trouvé quelques exemples et en faisant cette recherche curieuse, j’ai pu retenir d’autres livres : voir mon billet ici , j’ai retenu notamment “le fanal bleu” de Colette sur ma PAL, “la charrette bleue” de Barjavel, La pomme bleue de Roger Beteille, et d’autres … en fouinant également à la BM je suis tombée par pur hasard sur un autre roman qui pour moi répondait encore  mieux à ce défi “ la couleur bleue” (billet en bas ou en haut selon ! ) …

 

 

Une page étonnante avec les expressions bleues : http://www.cnrtl.fr/definition/bleu

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Commentaires
P
@xl, tout compte fait, j'ai choisi deux autres titres pour le mot soleil ! pas de Gaudé donc pour cette fois ci.
X
je connaissais les deux titres " bleu " et je ne pouvais donc pas les utiliser mais je les ai appréciés tous les deux dans des genres différents. <br /> Je prends note de ton lien et de ta myriade de titres pour soleil !!! <br /> Comme toi j'hésite sur le Gaudé, dont je ne sais pourquoi il m'attire et me résiste : peut être la bonne occasion...
C
c'est gentil a toi, c'est vrai que c'est génial les challenge, que du positif ;)
P
@ calie b, ton billet est parfait également, nous sommes sur la même longueur d'ondes pour ce roman. Merci de ta visite en ce lieu. Un challenge tout positif qui nous fait découvrir des auteurs, et des blogueurs.
C
j'ai aussi lu ce livre dans le cadre du challenge, j'ai beaucoup aimé tant le style que l'histoire et j'aime aussi beaucoup ton billet.
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