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29 mars 2010

Effroyables jardins- dans tous ses états

Les grenadines repentantes

En est-il donc deux dans Grenade

Qui pleurent sur ton seul péché

Ici l'on jette la grenade

Qui se change en un oeuf coché

Puisqu'il en nait des coqs Infante

Entends-les chanter leurs dédains

Et que la grenade est touchante

Dans nos effroyables jardins

Guillaume Apollinaire

Le titre est tiré de ce poème, sachant que le poète a connu la première guerre mondiale d’ailleurs a combattu non loin de chez moi. Dans ce livre “effroyables jardins” il est question de la seconde guerre mondiale.

Effroyables jardins

Après avoir vu la pièce de théâtre “Effroyables jardins” jouée par la Cie Matapeste,  deux vrais clowns de profession, cette adaptation du roman de Michel Quint est tout à fait remarquable, j’ai tout naturellement lu le livre… du pur bonheur tant la pièce que le livre.

Quatrième de couverture : Certains témoins mentionnent qu'aux derniers jours du procès de Maurice Papon, la police a empêché un clown de rentrer dans la salle d'audience. Il semble que ce même jour, il ait attendu la sortie de l'accusé et l'ait simplement considéré à distance sans chercher à lui adresser la parole. L'ancien secrétaire général de la préfecture a peut-être remarqué ce clown mais rien n'est moins sûr. Par la suite l'homme est revenu régulièrement sans son déguisement à la fin des audiences et aux plaidoiries. A chaque fois il posait sur ses genoux une mallette dont il caressait le cuir tout éraflé. Un huissier se souvient de l’avoir entendu dire après que le verdict fut tombé : Sans vérité, comment peut-il y avoir de l’espoir ?

Cliquez sur l’affiche pour en savoir plus sur cette troupe et la pièce

effroyable

Des Clowns qui nous racontent une histoire.….

Deux clowns nous accueillent dans leurs loges. C’est l’heure du maquillage, de l’accord des instruments ... Le calme et la concentration avant d’affronter la salle déjà bruissante de public... Mais ce soir, ces clowns ont quelque chose d’inhabituel à nous faire partager… Ils nous invitent à écouter un texte qui les concerne, eux, les clowns, et tous les clowns du monde. Une aventure qui mêle la guerre et ses horreurs aux pitres au gros nez rouge. Dans cette atmosphère de survie où la mort implacable rôde autour de victimes en sursis, un jour, un clown a surgi ! Incongru, absurde, insensé, face à toutes les tensions et angoisses que subissaient perdus des hommes en quête d’une rémission...
Et nous voilà en train de sentir, de recevoir le « pourquoi » du clown, du « faire rire », de ce dérisoire, perpétuel et indispensable défi à la cruauté et à la mort.
Hugues Roche

le décor est très simple et pourtant si prenant , deux clowns dans leur loge nous content l’histoire d’un homme instituteur et clown à ses heures perdues… Le spectacle commence par la lecture du livre… le ton est donné, le public est emporté … complètement hypnotisé par le miel qu’est ce texte de Michel Quint… la première partie, donne la voix au fils qui nous expose et nous peint le tableau de son père dont il ne comprenait pas et avait, il faut bien le dire un peu honte de ses pitreries! Faut dire qu’en lisant la description de son auguste père ainsi déguisé ça fait sourire :

Page 11C’est que mon père, instituteur de son état, traquait et prenait aux cheveux toutes les occasions de s’exhiber en auguste amateur. Larges tatanes, pif rouge, et tout un fourbi bricolé de ses vieux costumes, des ustensiles de cuisine mis au rencard. Faut-il le dire, quelques dentelles aussi, abandonnés par ma mère , lui donnaient une couleur trouble. Ainsi armé et affublé de la sorte, casqué d’une passoire à l’émail écaillé, cuirassé d’un corset rose à baleines, presse-purée nucléaire à la hanche, casse-noix supersonique au poing, c’était un guerrier hagard, un samouraï de fer-blanc qui sauvait l’humanité intergalactique et aussi la nôtre, toute bête, dans ce numéro pathétique de niais  solitaire contraint de s’infliger toute seul des baffes et des coups de pieds au cul.

lecture Donc ce cher fiston nous raconte sa honte, nous tire le portrait de toute sa petite famille avec les délicatesses qui s’imposent… quand enfin, la deuxième partie s’annonce, lors d’une sortie au cinéma, voilà que l’oncle enfin nous livre le pourquoi du comment de cet illustre instituteur qui tient tant à faire le clown …

guyLe récit nous emmène dans un dédale d’histoire avec ce côté drôle cependant dramatique de la situation de la guerre avec toutes ses horreurs, ses drames, ses absurdités et ses moments de vie suspendue… nos deux compères ayant commis un délit, les voilà prisonniers avec 2 autres gars … l’arrestation dans la cave vaut le détour, et depuis quand j’ouvre mon pot de cornichons je ne peux que penser à ce passage du livre : page 28 “ Au matin on s’est fait coincer dans la cave. Celle de tes grands-parents maternels. Au milieu des confitures et des bocaux de cornichons, Un vrai trésor. Tu peux rigoler, les frisés s’y sont pas trompés :l’homme pris sur un lieu de plaisir clandestin ainsi, avec des richesses autant pleins les bras, c’t’homme-là est forcément dangereux. C’est les cruautés du sort, parce que nous, ce que je te disais, même si on avait fait péter le transfo, pour paraître innocents on se cachait pas. “

les voilà donc arrêtés tous les 4 et jetés dans un trou, c’est à ce moment qu’intervient le personnage clé du roman … Le gardien de nos chers prisonniers fait figure d’un drôle de personnage, se présentant par une bien belle grimace, soufflant dans le canon de son arme pour imiter un air de saxo, jonglant avec ses tartines, ah ces tartines encore un fameux passage : Page 41 “Et puis d’un coup, notre ami Fritz, on le voit se lever d’un bond, au bord du trou, plonger ses mains dans ses poches et en sortir des tartines roulées dans des feuilles de journal ! Six qu’il allait s’en goinfrer l’animal ! Et puis les tartines, il se met à jongler avec ! Et rudement bien : elles ne glissaient même pas de l’emballage journal ! On en avait la gueule ouverte, nous en bas, et la bave aux babines ! Et puis il en loupe une, de tartine, la rattrape de justesse, nous, tu penses bien, déjà on avait tendu les bras, sûrs qu’elle était pour nous, la tartine, mais non, le salaud il l’a rattrapée quand on aurait dit que c’était plus possible ! […°]Des tartines comme la main, et du pâté et des cornichons dessus, peut-être ceux de la cave ! “

La détention se poursuit alors qu’une voiture de  gradés arrive leur annonçant que l’un deux sera exécuté si personne ne se dénonce… et notre officier gardien leur annonce tout de go après le départ de ses supérieurs et une fois que les prisonniers ont parlementé du sort final de l’un deux : Page 51 :”- Consentir à autrui le pouvoir de vie et de mort sur soi, ou se croire si au-dessus de tout qu’on puisse décider du prix de telle ou telle vie, c’est quitter toute dignité et laisser le mal devenir une valeur. Pardon d’être, avec cet uniforme, du côté du mal !”

voilà un extrait qui mériterait un bon sujet de disserte… Beaucoup à dire …

Je ne vais pas vous dévoiler la fin, mais je peux vous dire que la pièce fut un réel bonheur, et la lecture un pur délice..; l’écriture est tellement joueuse, si entraînante et souriante malgré la gravité du sujet que je n’ai pu m’empêcher de sourire par la drôlerie des situations si bien détaillées par l’auteur… et les acteurs …un réel talent de nous faire rire dans des situations aussi dramatiques, aborder des sujets telle que la mort avec autant de finesse… un auteur que je lirai dorénavant… 

duo

j’ajoute que tout le long du spectacle, les deux clowns se maquillent, s’apprêtent pour la bouquet final … ce petit décor si simple mais si chaleureux d’une loge d’artiste était parfaitement bien adapté à cette petite pièce qui ne dure qu’une heure. Pas besoin de long discours, ni d’un grand déballage, de décor extraordinaire pour nous combler de plaisir … un petit roman de toute beauté, avec beaucoup de réflexions au final !

alors si vous n’avez pas lu ce livre, vous savez ce qu’il vous reste à faire, il se lit en une petite demi-heure à tout casser, avec tellement de plaisir que les pages tournent, tournent, virevoltent dans une euphorie et une angoisse aussi de savoir le sort de ces braves résistants de la seconde guerre mondiale ! Porté par l’intrigue de connaître l’énigme de ce père qui se déguise en clown (je ne vous l’ai pas dit sinon plus de surprise pour les futurs lecteurs) , le livre est avalé avec délice !

Effroyables jardins aussi adapté au cinéma

Film français (2002) réalisé par Jean Becker.  Durée : 1h 35mn.
Date de sortie : 26 Mars 2003

Avec Jacques Villeret, André Dussollier, Thierry Lhermitte, Benoît Magimel, Isabelle Candelier…

Je n’ai pas encore vu le film qui doit être en DVD maintenant, voici deux extraits …

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Commentaires
P
Merci, Bénédicte... j'ai adoré le texte encore plus que la pièce ; à voir avec le film ...
B
un roman superbe drôle et émouvant plein de tendresse et de sensibilité Merci pour ton article très complet et pour ce poème d'Apollinaire
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