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17 avril 2011

La compagnie des femmes d’Yves Simon

La compagnie des femmes d'Yves Simon

 

 

“L’élégance ne s’apprend nulle part, elle est là, fichée aux corps et aux âmes de ceux qui en ont reçu la grâce à leur naissance.”Yves Simon

Parenthèse :

Monsieur Simon vous avait, l’élégance et la grâce, de nous charmer par votre plume enchanteresse, permettez-moi cet effet de miroir : l’écriture ne s’apprend nulle part, elle est là, fichée en ceux qui en ont reçu la grâce à leur naissance, pour notre plus grand bonheur. Nul écrivain dépourvu de ce don ne pourra jamais atteindre le sommet de cette beauté, même en gravissant toutes les montagnes les plus escarpées soient-elles. Aucun chemin tracé, si ce n’est celui de l’inné. Un grand merci de nous faire partager votre élégance et votre grâce.

 

***

Certains écrivains, au gré de leurs publications, nous donnent volontiers de leurs nouvelles à travers chacun de leur livre ; ils n'hésitent pas à raconter, à montrer le monde, l'époque, pour tenter de mieux les comprendre, mais avant tout de se comprendre eux-mêmes. Depuis son premier livre, Les Jours en couleurs, paru voilà quarante ans, Yves Simon n'aura cessé de poursuivre sa propre trace, il nous a dit sa jeunesse, ses illusions perdues, ses chagrins, ses amours, mais jamais n'avait-il consacré jusqu'à ce jour un roman tout entier empreint, comme son titre l'indique, de la compagnie des femmes. S'il se présente autant comme une autobiographie déguisée qu'un carnet de route, le nouveau roman d'Yves Simon vaut surtout pour l'histoire d'amour très singulière qui l'anime, le porte et le transcende. "Léonie était jeune et moi qui vieillissais", écrit le narrateur avant de reprendre le chemin de quelques-unes des femmes qui le hantent, aussi bien sa mère que les rencontres les plus éphémères. Mais la beauté de cet amour décisif éprouvé pour Léonie emporte dans le même élan lecteur et narrateur. On se prend alors à rêver d'être le passager clandestin de ce voyage, un road novel, dont seul l'écrivain connaît la destination finale. (Source Stock)

***

Voici un livre, comme je les aime, dès le seuil on pénètre dans une bulle, se laissant flotter au gré d’une poésie épurée, des mots en offrande, une jubilation de savourer ce cocktail délicieux, j’aime  tout naturellement. Non pas forcément l’histoire, mais tout la splendeur des mots choisis, cette musicalité, l’harmonie des pensées, un vrai délice difficilement explicable.

Vous conter l’histoire, me semble dérisoire, tant la beauté de la plume encense la romance. Au delà de ce titre, j’ai lu un seul livre d’Yves Simon, j’en avais gardé un excellent souvenir et c’est un bonheur de le retrouver, plus affirmé, plus poétique, plus sage dans son errance, mais tellement vivant, humain dans ses sentiments envers les autres, généreux mais à la fois un égo fort aiguisé, sans doute indispensable comme un besoin de se recentrer pour mieux se tourner vers autrui.

J’ai aimé le personnage, son besoin de vagabonder pour mieux se retrouver, effleurer un instant d’autres visages, croisés d’autres histoires, revenir sur son passé, se laisser emporter par son envie d’ici et d’ailleurs. Un Road stories je dirais, de Paris à Nice, des arrêts ici ou là, une route que beaucoup connaît, on apprécie les escapades tant bourguignonnes que provençales, une route semée de souvenirs, de délicatesse, de blessures parfois, comment vous inviter à prendre votre sac, et cheminer aux côtés de cet auteur.

Page 16 : C’était cela partir : entendre le claquement d’une porte et se savoir projeté à l’intérieur du monde, prêt à affronter les jours et les nuits d’une odyssée bitumée, un itinéraire sans but sinon celui de se trouver dans le nulle part d’un rêve.

Page 19 : A vingt ans je me fascinai pour les autoroutes et les grands espaces, quarante ans plus tard, me restait le goût enivrant d’une jeunesse, partir en silence comme un fuyard, ne laisser aucune adresse, vivre seul avec les souvenirs qui s’accrochent au voyage, souffrir qu’ils vous envahissent puis les yeux captivés par l’autoroute, ne songer qu’au long ruban hypnotique et finir par abandonner sur les bas-côtés quelques cadavres de sa mémoire.

Un coeur qui s’ouvre à vous, un voyageur qui nous emporte, c’est un homme qui nous raconte “la femme”,  pour nous avouer qu’il aime leur compagnie sans pour autant vivre avec. Au bout de ce voyage, il puisera au fond de ces amours au pluriel, ce besoin de vivre avec une femme unique au quotidien. Un amour au singulier pour une femme aimée. Une très belle déclaration d’amour toute en délicatesse et justesse, sans se voiler la face, avouer ses faiblesses et y renoncer. S’interroger sur ce besoin primitif de consommer cette soif de l’ailleurs.

Page 139 :  Pourtant, il en est bien ainsi : la nouveauté est ailleurs et les beautés de l’univers infinies. Comment se résoudre alors à n’être rassasié que par un seul  être du monde… La sagesse ? La vertu ? L’amour ? Quid de la curiosité, de l’attraction des abîmes, du vertige, des passions, des voluptés crasses où la perte de soi et la mort s’épousent ? La complexité des désirs ne pouvait que nous porter aux confins de nébuleuses où nous n’imaginions jamais pouvoir accoster pour y faire connaissance avec la noirceur, la lumière, le dégoût et la foi, y rencontrer des moussons, des boréales et des aurores

Un très beau itinéraire sur les routes de France, et des escales sur d’autres continents,  mais aussi au fond de son être, un cheminement vers l’accomplissement d’une vie amoureuse.

Page 143 : Désir d’écrire, désir de voyage, désir de Léonie, le désir se moque des futurs disait-on : avec lui point de lendemain. Pourtant je m’imaginais que de l’avenir avec cette femme, accompagné de son corps, de ses mots, de sa beauté d’âme pour visiter le monde à mes côtés. L’essentiel étant de jouir non des corps, mais du temps.

Il n’est pas question que de femmes durant ce voyage, mais aussi d’ami à jamais perdu, de parents, de connaissances et  d’inconnus  :

Page 37 : Ainsi, Vincent s’était asphyxié le coeur, il avait inhalé l’amer parfum des défaites, la pire d’entre elles : ne jamais être parvenu à effleurer ce que l’on espérait ardemment devenir. La prose lisse et dictatoriale l’avait anéanti. Lui le surdoué adolescent, lui qui rêvait de traverser le onde armé de ses seuls mots de lune pour le revêtir de lambeaux flamboyants, d’aurores et de crépuscules délavés. Il avait usé ses rétines à contempler des moulins dont les ailes ne tournaient plus, à vouloir vivre au coeur de drames impossibles, de parfums volatilisés, les dérisoires armatures de nos rêves.

Une part belle à l’écriture, il va sans dire, car tout le long de ce voyage, l’auteur nous partage également ses passions du moins je le ressens ainsi - page 87 : L’écriture naît souvent d’une mince fracture entre pouvoir et fragilité. Le pouvoir des mots et l’extrême faiblesse qu’il y a  à se manifester en eux. Les poètes s’imaginent être des dieux capables d’envoyer à l’univers des gammes de sensations qui tenteront d’émouvoir des inconnus alors que, dans le même temps, ils se sentent misérables de ne pas parvenir à conquérir les sommets de sensualité qu’ils s’imaginent pouvoir atteindre. Vulnérables d’eux-mêmes et des mots, ils s’emploient à devenir les illusionnistes d’un monde opaque, tout de mystères, où ils se devinent les élus désignés à en dissiper les énigmes. 

J’ai relevé énormément de passages, j’ai du même abandonner la pose de post-it, combien j’aimerais vous les partager, mais le temps ô cruel et avare m’oblige à faire un choix.

Ouvrez le livre et plongez dans cet océan de bonheur :

Léonie était jeune et moi qui vieillissais

Je pensai qu'il me faudrait au moins mille pages pour décrire son visage. Un millier de pages pour sculpter les contours et reliefs d'une figure de femme, avec le seul usage des mots, les lettres d'un alphabet, une grammaire et des adjectifs pimpants. Décrire avec une minutie raffinée ses lèvres ourlées, un nez joyeusement épaté, des yeux noirs effilés pareils à des corps d'abeilles. Mais encore le pigment d'une peau métissée, sa couleur exacte - ambre tendance pain au lait -, les minuscules grains de beauté disposés au pic de ses joues. Après ce travail titanesque, une image à peu près correcte parviendrait-elle à se visualiser dans l'imaginaire d'un quelconque lecteur ?

Ouvrez ce livre, amoureux des mots, il est pour vous.

 Je remercie grandement la librairie Dialogues 54768788 qui m’a envoyé ce superbe roman, dans le cadre du club

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Il est d’une évidence que cette lecture entre parfaitement dans logo antichallenge

Certains blogueurs, mettent des coeurs pour marquer leur lecture dite “coup de coeur”, mais tous les coeurs du monde ne suffiraient jamais à définir cette lecture passion, particulière, c’est plus qu’un  coup de coeur, c’est une lecture qui me colle à la peau, c’est tout à fait ce genre de plume qui me parle et me fait écho, sans tralalala ni réelle histoire montée de toute pièce comme dans tout roman, mais juste cette douce mélodie : la poésie qui se suffit à elle-même. Et encore je ne devrais pas mettre ce mot : POESIE, car il fait fuir bien des lecteurs, ceux là mêmes qui n’ont pas réussi à l’aimer pour ce qu’elle est : élégance et grâce et sûrement pas des vers bien alignés et rythmés de nos cahiers scolaires. Je crois aussi que cela ne s’apprend nulle part : aimer la poésie, c’est en nous naturellement, êtres sensibles.

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Commentaires
P
@ CC, je n'ai lu qu'un titre de lui avant ce dernier, et c'était un pur bonheur de le retrouver... j'espère que tu auras aussi grand plaisir à le lire avec ce dernier titre.
C
j'ai gardé ses lives avec moi depuis ma jeunesse...<br /> ....et je ne sais pas pourquoi j'hésitais avec celui-là ; peut-être avais-je "peur" qu'il ne s'agisse que d'un (vieil) homme qui se souvient de "ses" femmes...genre :<br /> <br /> "oh les femme qu'elles sont belles, oh les femmes que j'ai envie d'elles, j'ai eu des belles, j'ai eu des connes...et nanani nananère..."<br /> <br /> c'est donc avec grand bonheur que je vois que je me suis trompée !<br /> <br /> pardon Mr Simon d'avoir douté de vous....
P
@ l'or, je l'ai lu sans le lire, puisque ce titre est sur ma LAL mais ce qui m'intrigue c'est si je vais pas m'empresser de l'acheter plus vite que prévu puique la BM ne semble pas vouloir l'obtenir... Benameur fait partie des auteurs que je lis toujours avec plaisir
L
Alors tu as lu mon billet sur les "insurrections singulières" ? Tentée ou pas tentée ??? Je suis sûre qu'il te plairait beaucoup...
P
@ l'or, des livres qui nous ressemblent un peu, particuliers et puissants, cela ne peut s'expliquer, ça n'arrive pas souvent mais quand on tombe dessus, alléluia ! c'est un grand bonheur. Tu devrais au contraire revenir sur lui, cela serait un moyen de faire un trait sur ton ado pas joyeuse, en réalisant que maintenant il en est autrement, et ne pas te priver de ce livre magnifique. <br /> <br /> tu m'intrigues avec "les insurrections singulières" je vais voir à ça.
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