Dharma poèmes de Park Je-Chun
un livre reçu grâce au partenariat de et les éditions Sombres Rets que je remercie pour cette belle découverte poétique.
La poésie coréenne est mal connue en France. La Corée est pourtant le pays des poètes depuis plusieurs siècles. Aujourd’hui encore, les jeunes coréens sont des lecteurs qui vénèrent la poésie, et les poètes sont considérés comme des hommes doués d’une sagesse de la vie que nul ne peut leur contester. La tradition, la langue et la culture coréenne étaient déjà porteuses du virus poétique… la société moderne, sa technologie, n’ont pas effacé la tradition poétique, elle l’ont à peine transformée.
Nous présentons, dans ce livre, pour la première fois en français des poèmes du célèbre Park Je-chun, figure centrale du courant actuel de la poésie spiritualiste d’inspiration bouddhiste. Une introduction à ces poèmes présente l’histoire de la poésie coréenne et son rôle dans la société.
Une vingtaine de calligraphies signées Park Jino, artiste et fils du poète, illustrent cet ouvrage.
Je suis une fervente de poésie, j’ai tout particulièrement apprécié de découvrir cette poésie coréenne, comme le précise le résumé ci-dessus, elle est bien mal connue en France. C’est vrai pour moi alors que je connais la poésie chinoise par exemple. Faut-il penser tout simplement que les traductions françaises n’ont pas eu lieu ? La traduction peut s’avérer très délicate d’autant plus délicate pour de la poésie où les mots font appel tant à la sonorité qu’aux images, d’où souvent une déception “poétique” à lire des traductions car on ne retrouve pas toute la profondeur, tout le charme originel du texte…
Je sais combien la poésie est souvent mal comprise, mal abordée, dénigrée pour ne pas dire, ignorée… ce monde semble réserver aux âmes sensibles, aux esprits ouverts qui accueillent ces mots si joueurs, avec liberté et les laissent s’exprimer sans vouloir les interpréter…
Voilà comment il faut aussi lire ce livre de poésie, sans tenter de comprendre, mais entendre une voix venue d’ailleurs et simplement se laisser porter par la sensibilité de l’auteur.
Le livre par lui-même est très beau, j’aime beaucoup la couverture très colorée, et toutes les illustrations à l’intérieur. Assurément un joli livre qui nous invite à le parcourir avec beaucoup de plaisir.
L’introduction est forte intéressante, elle nous retrace l’histoire de la poésie coréenne : sur les cendres des poèmes passés, j’ai tout à fait apprécier cette ouverture comme levée de rideau, car je dois dire je ne savais pas du tout où je m’aventurais…
Puis nous avons une présentation de l’auteur, là encore, c’est appréciable d’aborder sa connaissance avant ses mots afin de situer un peu son courant poétique par rapport aux différents courants poétiques coréens définis au préalable.
Pour finir, une présentation de l’illustrateur.
Et commence le voyage par un premier texte : Ecrits sur le mur
D’emblée on ressent une certaine interrogation du poète face à ce monde, une certaine douleur et révolte, pour rejoindre le rêve, évocation de la nature, lumière, mer, et tant de belles images poétiques comme : Aujourd’hui j’ai mangé à satiété la clarté de la feuille de mots comme des sons d’oiseaux. Et les paroles de l’eau, ni visibles ni audibles.
C’est très beau, subtile, sensoriel, émouvant, frais et parfois sombre, pourtant une grande clarté se dégage de ce recueil comme un apaisement dans le soupir du vers, l’auteur nous murmure en filigrane une grande sagesse à cueillir sous les mots.
Une belle découverte, une poésie différente, qui peut parfois sembler étrange par les répétitions d’un mot dans un même texte, juste ce tout petit point qui m’a déplu dans la lecture, si peu car cela concerne peu de textes.
Les illustrations sont aussi de grande qualité animant les poésies.
J’ai beaucoup aimé ce texte parmi tant d’autres
Premier vers
Je pense que la poésie ne se forme pas
Sur le bout des doigts
Les centaines d’étoiles que nous expédions
Vers le ciel chaque nuit
Retombent sans fin sur la terre,
Comme des flocons de neige
Durant les nuits enneigées.
Les milliers de lunes gravés dans chaque rivière,
Se cachent souvent au fond de l’eau
Lorsque souffle le vent.
Même le bruissement du vent aux oreilles tendues
Est trop faible pour briser le cœur d’un homme;
Il retourne vers les champs de roseaux
après cinq ou six minutes, s’enlace en lui-même
Et se lamente. C’est à voir cela, je pense,
Que la poésie sert.
Park Je-chun est l’un des chefs de file du courant spiritualiste proche du bouddhisme Son (Zen). Il a reçu le Modern Literature Prize et a publié de nombreuses anthologies de ses poèmes tels que Les poèmes du Chuangtze, La Méthode Mentale, Les poèmes de Laotze, Ton nom et mon poème et Dans le Douzième Enfer de l’Etoile Bleue.
Profondément influencé par le bouddhisme coréen de tendance Son (Zen) et par la mythographie taoiste, il est un savant connaisseur de la littérature classique coréenne et orientale tout autant que de la littérature occidentale.
Ses poèmes se caractérisent par des images puissantes qui émergent peu à peu d’un tourbillon obscur, comme une soudaine intuition, une révélation Zen, à travers le ressassement de mots et de figures d’une simplicité obstinée.
Une grande part de son inspiration, même si elle est puisée à la source de la culture coréenne, demeure au cœur de sa propre personnalité, de ses questionnements qu’on qualifierait en France « d’existentialistes » s’ils n’avaient pas un goût de nihilisme proprement coréen.
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Pour faire partager cette lecture, je présente ce livre et cet auteur au défi de la poésie sur les 5 continents, pour l’Asie…