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13 juillet 2011

Un cercle de lecteurs autour d’une poêlée de châtaignes de JP Otte

Le Mot de l'éditeur : Rares sont les auteurs libres à ce point face à leur temps. Au risque d’être taxé d’anachronisme, Jean-Pierre Otte a entamé avec son « Cycle de la vie personnelle », une série de chroniques décrivant son quotidien dans une communauté rurale retranchée du monde. Cette fois-ci, il s’est joint à un groupe de personnes issues d’horizons divers, qui se réunissent tous les mois pour partager une passion commune : les livres. Le rituel est simple, une poêlée de châtaignes, le doux bruit des bouteilles qu’on débouche, et la discussion à bâtons rompus peut reprendre là où on l’avait laissée. Confrérie éclectique, ils sont une quinzaine, de l’avocat au jardinier en passant par la bibliothécaire ou la prof d’espagnol, formant un petit monde à part de bibliophages exigeants et passionnés. On y aborde des sujets tout aussi hétéroclites que la téléportation ou l’utopie, on s’y remémore des récits d’aventures dans des contrées exotiques comme on y invente un voyage en 323 jours au cœur du Quartier latin ; on y cite des auteurs aussi divers que Julien Gracq, Carlos Castaneda, Gilles Deleuze ou John Cage. Discussions, anecdotes et autres récits sont prétexte à des réflexions inattendues sur l’art, le sens de la vie, la sexualité, la nature et la mort. Derrière le choix des auteurs et des textes se profile toujours la personnalité étonnante de ces lecteurs chevronnés. Mais la vie de l'esprit ne serait rien si elle négligeait le bonheur des sens. Chaque réunion se clôt par un véritable festin, au gré de recettes traditionnelles toutes plus alléchantes, du tablier de sapeur sauce gribiche au gigot de chevreau et navets glacés !
Jean-Pierre Otte est né dans les Ardennes en 1949. Avide de savoir, il étudie des disciplines aussi diverses que la biologie, la physique, la philosophie et les mythologies du monde. Spécialiste des mythes de la Création, il s’adonne aussi à la botanique et à l’observation des insectes. Installé depuis 1984 dans le Lot, il vit entouré d’animaux familiers. Écrivain, conteur, conférencier et peintre, il est un des auteurs les plus originaux de notre époque.

***

Voici un livre qui résonne dans tout cœur d’un lecteur, on aimerait pouvoir prendre place autour de ce cercle, écouter et partager notre passion des mots, des livres, de la littérature en général.  Ce n’est un roman comme il est indiqué sur la couverture, mais plus un récit, l’auteur nous fait partager son vécu au sein de ce cercle et c’est un vrai délice. Une rencontre mensuelle, autour d’une discussion qui s’oriente au gré du moment, d’un livre ou d’une pensée, les châtaignes roussissent et les mots se délient, se partagent tout comme les mets que chacun apporte selon la saison, accompagnés d’un verre de vin. C’est convivial, amical, chaleureux mais tellement riche et délicieux. Le récit ne se cantonne pas au cercle, mais nous fait cheminer par ces routes pittoresque de cette belle région du Lot, nous emmène dans une cabane dans un arbre et bien d’autres senteurs et frissons nous surprennent ici et là parsemés  dans ce livre superbe que je vous recommande, vous lecteurs de tout horizon, vous y trouverez votre bonheur à l’orée des pages et sous l’ombre des mots votre plaisir se reflètera dans un vécu certain.

Je préfère vous en dire peu, mais vous laissez des extraits qui parleront mieux que moi de ce petit bijou à  savourer, et je crois que certaines réflexions, sont parfois à l’image de nos blogs qui sont presqu’un cercle de lecteurs, manque plus que les châtaignes ! A la fin cet ouvrage,  vous y trouverez tous les livres abordés et tous les mets dégustés, pour ne rien oublier.

***

Page 23 : - Pour résumer nos propos de la séance précédente, dit Maylis, il s’avère souvent que c’est lorsqu’un ouvrage nous a plu outre mesure qu’il faut ensuite le redécouvrir dans ses plis et ses replis, et surprendre sans cesse des choses qu’on n’avait pas remarquées à la première lecture. En fait, c’est quand on a trouvé un livre qui nous correspond et nous bouscule de l’intérieur, qu’on le cherche le plus. Mais ce qui est particulièrement exaltant, ajouta-t-elle, c’est que chacun va trouver dans le même livre différent, comme si tout jouait à travers les angles taillés d’un cristal de Bohême, un corps à facettes ou un jeu de lentilles tantôt concaves et tantôt convexes : chacun le recrée diversement selon ses prismes personnels.

Page 28 : Certains livres, enchaîna Mehdi, sont d’une telle fertilité que lorsqu’on y plonge la tête la première, ils remplissent le vide, délivrent, détruisent insensiblement toute impression d’isolement. On se croyait séparé de tout, en rade, laissé pour compte, et on se retrouve réuni, accordé à tout, au diapason même de l’univers. C’est cela, le plaisir par l’excellence.

Page 29 : - Le bonheur est d’abord dans une volonté de bonheur, dit Eliane. Et c’est aussi, dans cet esprit-là, se donner un vrai pouvoir de dépassement, ouvrir un champ de possibilités nouvelles.

Il semblait qu’on m’eût oublié tandis que, décortiquant mes châtaignes et dégustant le vin, je détaillais les uns et les autres, sans rien perdre de ce qui s’échangeait. C’est toujours pour moi un ravissement de découvrir les visages, de percevoir leur vérité profonde, de distinguer pour chacun une beauté particulière, même à ceux dont on dit, selon des critères discutables, qu’ils ne sont pas beaux.

Page 37 : Jean-René, l’avocat, se retourna alors vers moi, et demanda, comme au nom de tous, ce que, pour ma part, je voudrais emporter dans l’éternité. Je m’entendis dire, sans réfléchir, que j’aurais voulu que ce cercle de lecteurs se prolongeât dans l’au-delà, bien évidemment dans une odeur de châtaignes grillées, en partageant sans fin les paroles et le vin. J’avais l'impression que nous étions tous sortis d’un livre, du Grand Livre jamais vu, jamais nommé, et qui rassemble tous les autres. J’imaginais à mon avantage l’éternité comme un labyrinthe où seraient disposés sur d’invisibles rayons les livres de tous les temps et de tous les lieux, ceux du présent, du passé et de l’avenir, ceux-là même qui n’étaient pas encore écrits, ne le seraient peut-être jamais, ou alors, tracés à l’encre sympathique et attendant l’effet d’une autre chaleur pour que leurs caractères se révèlent à nous.

Page 119 : j’ai compris que par la lecture on pouvait aller ailleurs,, voyager dans l’espace et le temps, se glisser dans la peau des personnages, voir par d’autres yeux, à la faveur d’autres appétits ou d’autres passions, se créer en soi-même un univers parallèle, sans pourtant se couper du réel et de tous les impondérables du quotidien. Un sage chinois a dit que notre vie en ce monde n’aura servi à rien si nous n’avons su nous créer notre propre monde.

Page 145 : Ce qui, dès le départ, m’avait plu dans le cercle, c’est que la conversation, le dialogue, l’échange étaient préférés à tout débat, celui-ci supposant que l’on a toujours quelque chose à transmettre, et plus encore imposer : un discours, une vérité, un sentiment ou une mission. Tandis que dans la conversation rien n’est dicté, prescrit ni structuré par avance. Chacun partait de son point de vue, l’exprimait et l’expliquait à sa manière, avec ses mots, sa mesure et son rythme, et si certains prenaient plus souvent la parole, les autres les écoutaient, pour sans doute se forger par métissage d’autres idées à partir de ce qui se disait, des motifs de réflexion,des perspectives qu’ils entrevoyaient soudain et qui les inspiraient, comme si la réalité que l’on pouvait croire une, indivisible et immuable s’entrouvrait alors sur d’autres réalités touts nouvelles pour eux.

Page 157 : La soirée se passa ensuite à parler de littérature. Antoine citait ses auteurs favoris, Balzac, Faulkner, l’idiot de Dostoïevski ou le Pays de neige de Kawabata ; il parlait des livres qui l’avaient bousculé, se rappelait avec passion tel passage ou tel personnage, et déclamait des poèmes.

- ce que j’aime par-dessus tout, dit-il, c’est a phrase musicale dont chaque syllabe détache les notes de l’harmonie, celle, profonde, qui emmène l’homme tout entier vers lui-même, et l’autre, légère, qui l’emporte loin du tortillard des questions existentielles. LE vers parfait qui jamais ne s’érode, la phrase à sucer entre les lèvres, celle cinglante qui coupe court au romantisme, le bon mot chargé de trois étages de sous-entendus, le trait qui gifle, l’emphase juridique dans un mouvement de manches, ma péroraison politique, les stances de Saint John Perse, la simplicité de Prévert, l’élégance de Mallarmé.

A ses yeux, c’est en peignant, en écrivant, en composant qu’un artiste doit se sentir le plus en vie, parce qu’ il y a alors en lui la condensation et l’ivresse, parce qu’il y a dans l’œuvre qui s’élabore l’alcoolisation de son propre vécu et du grand vécu évolutif du monde. L’écrivain qui importe vraiment, c’est celui qui parvient à transformer progressivement le miroir qui le réfléchit en une fenêtre ouverte sur les temps présents.

Page 197 : Comment ne pas avoir le cœur réjoui quand eux êtres se trouvent et plongent ensemble, à Dieu vat, dans le courant de la vie qu’ils s’inventent ?

Page 227 : Liz et Antoine sont de ceux qui se donnent sans réserve et vous emplissent tant ils sont si pleins d’eux-mêmes, se débordants de vie, de leur vie palpitante, de leurs appétits, leurs passions. C’est vraiment réconfortant de voir que de tels êtres existent encore au milieu d’un monde mondialisé, de plus en plus déshumanisé, dénaturé à l’extrême, et qui cherche encore à se raviver sur les cendres d’un matérialisme illusoire.

Page 241 : Mais d’abord, il eût les mots sonores qui s’échappaient des lèvres de mes proches, ceux qui accompagnaient les images dans des albums à carton dur, ou que je trouvais dans les phylactères de mes bandes dessinées,et ceux qui constituaient les mêmes histoires que mon père, de sa voix grave t paisible, nous lisait ou nous inventait au bord du lit, dans la chambre dont il laissait toujours la porte entrouverte, dans une perspective d’évasion…

Page 245 : « en fait, conclut-il, il n’a y pas vraiment de passage de la lecture à l’écriture, comme une traversée ou un cheminement. Il y a une logique. Les yeux sur les mots entraînent la cavalcade des doigts sur le clavier. Si tous les livres lus sont autant d’échappées belles sur les routes du monde, écrire, c’est s’inventer des chemins vierges.

 

***

Un article intéressant ici

Extrait 1 

Un article avec quelques citations

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Commentaires
P
@ Alex, je te rejoins pour le titre !
A
Que de citations. Mais un titre à coucher dehors !
P
@ delphine : oh que oui !<br /> <br /> @Richard, je l'ai vu aussi à la Grande librairie, un personnage atypique et qui a su séduire son public. <br /> <br /> @Aifelle, ah oui je l'avais vu sur ton billet, je suis certaine qu'il te plaira ! <br /> <br /> @nymphette, merci, c'est une lecture effectivement qui va circuler dans les clubs de lecture, c'est un titre tout à fait approprié !<br /> @ l'or, merci, et je pense que tu pourras le lire il te plaira <br /> <br /> @ Nadael, merci, c'est un très beau livre, à noter sans hésitation
N
Très beau billet. Je le note, évidemment.
L
Il me tentait bien celui-là... Aifelle l'a emmené comme lecture de vacances... Les extraits sont superbes en tout cas !
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